Extrait du journal

Avons-nous peur de notre victoire ? Les responsabilités qu’elle nous commande de prendre nous accablent-elles déjà ? Le pays devra-t-il enregistrer une faillite d’espérances qui le rejetterait une fois encore, mais sans aucun doute d’une manière définitive, dans les bras de la réaction ? On est en droit vraiment de poser ces questions. Nous donnons depuis le 8 mai un singulier spectacle aux électeurs qui ont voté pour nos candidats. Nous avons l’air de jouer à cache-cache. Les radicaux donnent l’impression que la collaboration socialiste leur pèserait. Les socialistes semblent dépenser des trésors d’ingéniosité pour rendre impossible sur le plan parlementaire et gouvernemental, la conjugaison d’efforts qui a si bien réussi sur le plan électoral. La grande presse parisienne, habituée à travestir la volonté du pays, s’évertue à opposer l’un à l’autre les deux grands partis çu’une étroite solidarité de bataille avait heureusement rapprochés. Divuns-le tout net : si les radicaux et ies socialistes ne parviennent pas à s’entendre, la nouvelle législature ressemblera à l’ancienne et le suffrage universel ne le pardonnera ni aux radicaux ni aux socialistes. Il se croirait, non sans raison, victime d’une sorte d'abus de confiance. Il se retournerait, sans distinguer entre eux, contre les hommes qui se seraient ainsi montrés incapables d’agir pour le bien public en écartant délibérément de leur route tout ce qui les divise. Ils ont un bout de chemin à faire ensemble. S’ils ne le font pas, c’est qu’ils n’auront pas été à la hauteur de leur" tâche et le pays les confondra dans la même réprobation....