Extrait du journal

tâche de dissimuler le plus possible, quand ils ne les ont pas détruits, les vestiges de l’art musulman qui s’offraient aux yeux. Finie la turquerie ! Ils ont à moitié enterré la magnifique mosquée El Anefi, comme si elle était une offense pour des regards algé riens. Leur vandalisme ne s’en est pas tenu là : ils ont jeté bas nombre d’édifices mau resques pour les remplacer par d’odieuses maisons de rapport ; ils ont supprimé ainsi les principaux attraits de la ville et tari par cela même la source d’une partie de ses reve nus. Par avarice, ils ont tué la poule aux œufs d’or. Hélas ! ils n’ont eu que trop d’i mitateurs dans la plupart de nos colonies. Nous n’avons pas compris, en Algérie, la nécessité de commner le style arabe avec nos formes architecturales. Le simple bon sens indiquait cependant que, les habitudes de la vie algérienne n’étant pas identiques à celles de la vie européenne, il fallait modifier en conséquence la structure et l’aspect général de nos maisons d’habitation. La prospérité d’un pays peut se mesurer au développement qu’y acquièrent les arts. En Algérie où l’industrie fait à peu près dé faut, l’agriculture est la seule source de ri chesse. Il n’en est que plus regrettable que dans ce pays de la lumière et de la couleur, on n'ait pas songé à attirer les artistes et à les y retenir. Que ne serait-on pas en droit d’attendre des transformations de l’art arabe sous l’influence du génie français ? C’est en Algérie que l’art décoratif, dans ses diverses applications, pourrait se retremper et se rajeunir, en empruntant de nouvelles formes à la flore du pays et de nouvelles colorations aux jeux de la lumière dans une atmosphère saturée de soleil. Grâce aux éléments matériels que possè de l’Algérie, l’art de la céramique pourrait y produire des merveilles ; quant à la bijou terie arabe, il suffirait, pour la faire re naître, de créer des écoles de bijoutiers indi gènes. De même pour les étoffes et les tapis algériens, si réputés jadis et tombés au rang de marchandises de bazar depuis que les fa briques lyonnaises ont supplanté l’industrie indigène et inondé les marchés de leurs abominables contrefaçons des tissus arabes : il ne faudrait qu’une subvention du gouver nement pour rouvrir les ateliers fermés et restituer à l’Algérie des sources de produc tion qui l’enrichiraient. Mais y songe-t-on ? Enrichir nos colonies ? Que diraient nos producteurs français ? Estce que la production coloniale ne constitue pas à leurs yeux la plus déloyale des concur rences? Est-ce que les colonies doivent jouer un autre rôle que celui d’exutoire pour les produits de la métropole ? Il est toutefois permis de se demander si nos produits trou veront longtemps des débouenés aux colo nies lorsque celles-ci auront vu tarir une à une toutes leurs sources de richesse. Ceux qui s'imaginent qu’il importe d’obtenir de nos colonies un maximum de rendement en stimulant leur production sont plus que candides : on le leur a fait voir. Jadis des savonneries, utilisant les déchets de la fabrication des huiles d’olive, s’étaient établies aux environs de Tizi-Ouzou. Les sa vonniers de Marseille poussèrent de tels cris que les savonneries kabyles, écrasées d’im pôts, ne tardèrent pas à succomber. Ruiner toute industrie dans nos colonies, tel est donc le but à atteindre. Et c’est ainsi que nous colonisons 1 A. B....