Extrait du journal

humaine ne peut mener en réalité qu’à la pire des servitudes ; son bon sens prévoit ce que serait un monde dont les habitants feraient abstraction de la cause même du monde ; sa raison restée saine lui a permis d’admettre que l’énigme de la vie ne trouvait sa solution que dans le christianisme ; s’il a souffert, s’il souffre autant qu'un autre des craintes injustes d’une civilisation redevenue païenne, il ne se flatte pas d’être libéré soudain, par un effort désespéré, de toute entrave ; il sent que l’égalité naturelle est une chimère, que l’inégalité même est une des conditions de la vie, le facteur essentiel du progrès ; il sait surtout que, quoi qu’il advienne, aucune révolte des travailleurs, aucune législation humaine ne supprimera ni la douleur morale, ni la maladie, ni la mort. Somme toute, il a compris le sens profond des choses et s’il porte au cœur la même passion de justice que son camarade socialiste ou libertaire, i! saura mieux que lui travailler pour que le règne de la justice arrive. Car le christianisme, c’est l’ordre en tout, dans le domaine matériel comme dans le domaine moral ; c’est la richesse confirmée dans ses droits, mais rappelée à ses devoirs ; c’est le droit des faibles proclamé ; c’est la servilité du travail atténuée par des prescriptions légales qui sont comme un reflet de la mansuétude divine ; c’est la mesure et l’équité dans le salaire, le secours contre les infirmités et les maladies, la sécurité de la vieillesse ; c’est surtout la persévérance dans l’effort, dans l’ascension lente vers les sommets de liberté et de mieux être que les révoltés pensent naïvement pouvoir prendre d’assaut !...