Extrait du journal

Le gouvernement fait le jeu des bolcheviks en les arrêtant. La violence sert toujours les causes qu'elle croit atteindre. Elle créée une auréole à l'idée qu'elle veut étouffer, elle en exalte le côté lumineux et elle en atténue singulièrement les défauts amenuisés sous les coups de la contrainte. Elle fait la démonstration de ce dont on l'accuse. Elle illustre lçs accusations de ceux qu'elle emprisonne. A travers la prison les voix étouffées semblent crier à leurs oppresseurs : « En nous mettant au cachot, vous vous inclinez devant la nouvelle vérité que nous annonçons, vous redoutez lé débat de notre doctriné. Vous transportez la discussion sur le terrain de la force, vous nous déclarez la guerre, vous, les tout-puissants, à nous qui sommes une poignée d'hommes sans autre richesse que notre cerveau, c'est notre pensée que vpus redoutez, vous la bâillonnez. Mais ce que vous ignorez, c'est qu'en l'emmurant vous lui rendez hommage, vous lui faites la plus belle, la plus fructueuse propagande. E» elle vient à point, car nous risquions, nous aussi, de tomber dans vos travers. Nous allions vous ressembler comme deux frèresNous étions en train de nous engager dans la voie de l'intolérance et de la violence. Nous courions le danger de voir se détacher de nous tous les hommes libres. Vous nous les avez rendus en nous détenant. Ils penseront que l'absence de liberté et les rigueurs terroristes tant reprochées au régime de Moscou sont inventées par la peur de la propagande bolcheviste. Vous en grandissez l'attrait en le cachant si^soigneusement, en séparant du monde ses partisans, en l'entourant de la séduction du mystère »....