Extrait du journal

C'est l'atmosphère de . la fête, et rien n'est plus naturel. Pour moi, qui n'ai suivi les magnificences que de loin, je m'excuse de ne pas entrer dans ce colloque avec le sourire. Le problème du Sénat n'est pas une plaisanterie ; c'est une affaire très sérieuse. Est-il possible que, dans l'appareil gouvernemental d'une nation, continuent de coexister deux Assemblées, de formation différente, mais revendiquant des pouvoirs égaux? Les conflits ne sont-ils pas inévitables ? Au lieu de les tenir pour naturels, comme paraît le faire M. Jeanneney, ne doit-on pas redouter leur fréquence autant que leur gravité lorsque les deux Assemblées - en raison'même de leur différence de formation - évoluent dans des directions contraires : la Chambre'élue se déplaçant d'une façon presque constante vers la gauche ; le Sénat étant visiblement attifé vers la droite ? Existe-t-il un autre choix, dans ces conditions, qu'entre la périodicité des crises et la continuité de l'impuissance ? Le bien de la République n'exige-t-il pas dès lors que les modes de recrutement électoral des deux Assemblées soient ramenés à un type plus voisin, que leurs rapports soient définis avec plus d'exactitude et de prudence, que leurs divergences de vues et à plus forte raison leurs conflits puissent être réglés par une procédure normale?... Voilà autant de questions .que nous ne soulevons pas arbitrairement -, car c'est le Sénat lui-même qui les a posées - et qu'on ne peut pas éluder par des propos du dimanche, car la possibilité du progrès démocratique en France, et par conséquent l'avenir de la République .elle-même, dépendant de-leur solution....