Extrait du journal

D'une part, on a reproché à M. Delbos d'entraver l'oeuvre nécessaire du rapprochement franco-allemand. En visitant tour à tour les Etats amis ou alliés de la France, en s'efforçant de resserrer les liens parfois détendus, de réchauffer les sympathies parfois attiédies, ne risquait-il pas d'offusquer les maîtres du Troisième Reich ? N'allait-il pas réveiller chez les dirigeants nouveaux de l'Allemagne la vieille crainte de « l'encerclement » ? Sa tentative n'aurait-elle pas pour effet de creuser plus profondément le fossé entre le bloc Berlin-Rome et le bloc constitué autour des grandes démocraties occidentales ? D'autre part, et en sens contraire, on faisait grief au même Delbos d'avoir par son initiative malheureuse, fortifié les positions internationales du fascisme. Son tour d'Europe devait comprendre quatre étapes : Pologne, Roumanie, Yougoslavie, Tchécoslovaquie. Or, dans trois de ces pays sur quatre, le résultat le plus clair de son passage devait être de consolider et de cautionner devant leurs peuples des gouvernements incertains ou tortueux, portés vers les puissances fascistes par des engagements connus ou par des sympathies intimes, de détourner vers ces amis au moins douteux de la France le profit indu de la popularité française. Ainsi d'une part, offensive téméraire et dangereuse engagée contre le fascisme ; de l'autre, collaboration involontaire apportée aux machinations fascistes: il est difficile de pousser la contradiction plus loin....