Extrait du journal

placent, et déjà on ne voit plus la grille, mais le’ moutonnement des sacs bruns qui s’éloignent, le mouvement de mille épaules, et des fusils qui se balancent en cadence. Les grosses bottes frappent, le sol mouillé, et cela fait comme un grand roulement sourd de tambours. Aucune musique, aucun bruit.Lf s géants au visage brun, à mesure qu’ils pas sent, sont suivis par a autres dont les rangs paraissent inépuisables, et ils sont tous pareils, et on croit voir toujours le même grand gaillard barbu, tant leurs visages impassibles se ressemblent. Soudain, et d’un seul coup, un immense cri monte, qui nous saisit, arrête le cœur et fait frissonner. Il jaillit, hors de cette foule, s'élève, grandit, sans qu’on sache d’où il est parti, comment tous ont crié à la fois, qui a donné le signal... Ah ! ce n’est pas la chanson de nos soldats de France ! C’est, bien qu’il finisse douce ment, sur des notes élevées qui durent indéfiniment comme celles d’un chant gré gorien, le cri de guerre, le cri de haine féroce et joyeuse : u Nous allons nous battre, dit-il, nous allons tuer. Malheur à l’ennemi I » Il retombe, puis s’élève brusquement d’une autre compagnie, hur lement sauvage jeté vers le ciel indiffé rent, et cette effroyable invocation au dieu des batailles porte jusqu’aux extrê mes limites du camp, sous les arbres... Et alors il arrive cette chose surpre nante, que tous les autres hommes, ceux qui ne partent pas, depuis le lancier jus qu’au sweeper, répondent, à voix alter nées, par d'autres cris et d’autres chants. Ils regardent le ciel, joignent leurs...