Extrait du journal

Il guetta au coin des rues ou sur les re fuges, au milieu des places, le fiacre qui passe chargé de malles, conduisant à domi cile des arrivants. Il courait pendant trois quarts d’heure quelquefois, derrière la voilure, les coudes au corps, croyant à chaque fois qu’il allait tomber en chemin. Et quand il arrivait au but, quand le vovageur, descendu, apercevait, appuyé au mur de la maison où il entrait, cet homme livide, dont la poitrine se soulevait avec des siffle ments, il arrivait qu’il ne comprenait point, jetait un sou, ou passait indifférent, à moins que de sang-froid il refusât de donner ses bagages aux maigres épaules de ce vieux qui n’en pouvait plus. Faire cela ou ramasser des bouts de ci gares et ouvrir les portières aux abords des établissements de tout ordre, c’était la même chose. Certains jours, le malheureux ne gagnait pas une pièce de cinquante centimes. Cet hiver, où Zizine, à la suite de la mort de sa patronne manquait d’ouvrage, pendant plus d’un mois on avait eu faim, on avait eu froid dans le malheureux logis de la rue Lepic. Le père, pourtant, rapportait à sa fille ces quelques sous qu’il arrachait à la commisé ration publique. C’était à peine de quoi mettre sous la dent une bouchée de pain. Le brave pompier, Norbert Cappadou, donnait la plus forte partie de sa paie. Qu’était-ce encore? Qu’est-ce que la paie d’un pompier ? Il y avait le loyer à payer et le propriétaire féroce menaçait chaque jour de l'expulsion....