Extrait du journal

Cette fois, c’est fini. Nous ne nous pré cipiterons plus aux coins des rues pour acheter la liste des numéros gagnants. Les loteries sont mortes. Encore un peu d’illusion qui dispdraît au moment où nous en aurions tant be soin. Sans doute tous ces bouts de pa piers multicolores achetés à prix d’or créaient des chimériques espoirs. Mais ne valaient-ils pas tout de même quelque chose puisqu’ils nous permettaient d’être millionnaires... en rêve ? Quand on ne peut pas l’être autrement, ce n’est déjà ^as si mal de le devenir de la sorte. Maintenant plus rien. La vie simple et bête sans la possibilité du merveilleux lendemain. Vingt francs ne valent plus que quatre pièces de cent sous. Et c’est là le désespérant puisqu’hier encore ils pouvaient représenter des centaines de billets de mille. Il arrivait bien souvent, naturellement, qu’à un certain moment nous nous rendions compte qu’il eût été préférable, pour nous, d’utiliser autre ment l’argent que nous avions jeté dans le doux commerce des billets de tombola. Mais nous avions eu le plaisir de bâtir de si jolis châteaux en Espagne ; et tous les plaisirs se paient, qu’importait après tout la menue monnaie tombée dans le Xossé ? C’est ce que n’ont pas compris ceux qui ont décidé de ne plus autoriser la plus petite des loteries. Elles étaient trop, et c’est ce qui les a tuées. Nous pouvons ce pendant les regretter, aujourd’hui qu’on y pense encore. Qui sait, en effet, ai de main an se souviendra d’elles ? Les loteries ! Ah oui, elles servaient partout à ceux qui les organisaient, pen sent les hommes prudents qui les ont en terrées. Naturellement. Sans cela il est probable que nous n’en aurions pas vu souvent. Mais elles servaient aussi à d’autres ; et ces autres ont été complè tement oubliés. N’aurait-on pas pu leur demander s'ils préféraient voir l’ancien régime continuer ? La réponse n’est pas douteuse. C’est probablement pour cette seule cause qu’elle n’a pas été sollicitée. Il faut avoir raison n’est-ce pas même contre ceux qui ne veulent pas avoir raison. Et pourtant S’il plaisait à quelques-uns d’aller jeter un pauvre louis dans une machine ca pable de le leur rendre au centuple, ou de ne pas le leur rendre du tout, pourquoi les en empêcher ? La folie des billets de tombola n’est pas une folie ruineuse. En tout cas elle procure des sensations étran ges. A-ton vraiment le droit de priver les gens paisibles d’une satisfaction quelcon que, qui n’est ni contraire aux bonnes mœurs, ni contraire à l’ordre. Ce sont des raisonnements semblables qui, parait-il, ont perdu bien des peuples. Le pays qui joue est près de l'abîme. La sagesse des nations consiste à savoir s’ar rêter à temps. Bon. Mais alors, il faut Piler jusqu’au bout. Les demi-mesures pont toujours néfastes. Car les seules loteries ne sont pas celles qui s’extériorisent par un billet coûtant de un à vingt francs. Il y en a d’autres javec en moins seulement, l’attrait de plusieurs lots d’un million. Qu’en fait-on de celles-là ? Est-ce que les courses ne sont pas de yastes loteries savamment organisées, et peuvent beaucoup moins loyales et moins honnêtes que celles qui viennent d’être pupprimées. Autant de chevaux, autant de numéros. La machine tourne, très truquée, et le gros lot, divisé en d’infimes parties est distribué aux heureux ga gnants. La seule différence, est qu’ici il existe des milliers de numéros sembla bles, mais qui sont d’un négligeable rap port Chose bizarre, il arrive d’ailleurs souvent que ce sont les numéros dédai gnés qui gagnent. Ceci est-il plus moral que cela ? Non. Cependant les courses ne péri ront jamais, l’homme est la plus belle conquête du cheval, et elle le sera long...