Extrait du journal

On a l’habitude de rechercher dans les ascendants la marque des dispositions d’un homme. Nulle part, peut-être l’hérédité n’a laissé pareille empreinte que chez l’auteur de VHomme qui tue. Son père était officier de gendarmerie, oui, un gendarme comme vous en rencontrerez peu, car il perdit sa position pour avoir dénoncé dans une brochure les barbaries dont les nègres étaient victimes à la Martinique en 1846. Deux ans plus tard, le chef d’escadron destitué était nommé représentant du peuple par les noirs reconnaissants. Ce sentiment profond do la justice dans le métier des armes, se retrouve identique chez le fils vingt ans plus tard.Né en 1840, Hector France est élevé à là Flèche et s’engage à dix-neuf ans aux spahis. Il était sous-officier de droit, il ne dépassa pas ce gradée, malgré des aptitudes très remarquées parce qu’il était indépendant et supportait avec peine qu’on maltraitât les Arabes. De bivouac en bivouac, sous ce ciel bleu de l’Algérie qu’il a si amoureusement peint dans 1* Amour au pays bleu, il portait un idéal do bonté et de justice auquel les mœurs militaires donnaient à chaque instant un démenti, il sentait bouillonner de sourdes révoltes contré la cruauté et la rapacité des bureaux arabes dont il était l'instrument. Déjà, avant qu’il eut conscience de sa plume, qui tue était gravé dans son cœur. Quelbues années plus tard, dans la froide baie de Londres, sous l’aiguillon de la nécessité, il prenait la plume comme il eut pris le crochet du portefaix et vivifiait ses souvenirs et ses impressions d’Afriquo : L’homme qui tue, le Ventre de LallaFathma, L’Assaut des Lupcnars, les Bureaux arabes sous le second empire....