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Le Siècle, 1 mai 1881

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Le Siècle
1 mai 1881


Extrait du journal

Toutes ces nouveautés, toutes ces ambi tions de nos modestes et laborieux insti tuteurs paraissent au Monde, à la Civilisa• tion, à la Défense, à Y Univers, des aberra tions véritables. Quand l'instituteur aura cette situation morale et cette indépendance parfaite dans nos villes, dans "nos villages, on comprend en effet que le rôle du curé sera bien effacé et la maîtrise de 1 Enlise sur l'école bien amoindrie, M. Jules Ferry ne s'en cache pas. Il déclare hautement son intention de travailler de tout son pouvoir à constituer l'indépendance des instituteurs. Il avoue qu'il a l'ambition de ne pas disparaître sans avoir fait quelque chose de durable pour l'organisation in tellectuelle et morale de la société laïque. Aussi M. Jules Ferry est-il tout particu lièrement le point de mire des attaques les plus passionnées. « M. le ministre de l'instruction publi que, dit la Défense, a glorifié les institu teurs, de manière à porter leur orgueil au delà de toutes les bornes ; il a fait luiTe devant eux la perspective d'une si tuation indépendante qui n'aurait à compter ni avec le curé, ni avec le mai re, ni même avec le préfet, mais seule ment avec l'autorité universitaire. Il veut que le maître d'école ne se borne pas à instruire les enfants confiés à ses soins, mais qu'il travaille à les élever ; qu'il ne soit pas seulement instituteur, mais éducateur ; c'est le mot, d'un fran çais douteux, que M. le président du conseil a employé. Il s'oppose d'ailleurs à ce que des instituteurs on fasse des rècitateurs du catéchisme ; ils n'auront à enseigner que « la morale universelle, » indépendante dé tout culte, de toute re ligion, la morale séculière et laïque ! » Les aveux de la Défense sont complets, on le voit, et !e morceau méritait bien d'être cité tout entier. M. Jules Ferry a fait luire au yeux des instituteurs la perspective d'une situation indépendante qui n'aurait à compter ni avec le curé, ni avec le maire ; il leur a promis que bientôt ils n'auraient plus à enseigner que la morale universelle : voilà des promesses véritablement criminelles et scandaleuses ! On croit peut-être que le zèle de la religion est le principal motif qui ins pire l'indignation de la Défense. Il ne faudrait pas trop s'y fier. Sans doute, cette passion ardente pour ses dogmes mena cés, pour ses croyances compromises, pourrait être excusée et même glorifiée chez l'écrivain du journal catholique. Mais il y a quelque chose de moins pur qui apparaît vers la fin de l'article. « Ce n'est pas ainsi, continue la Défense, qu'au lendemain de la loi de 1833, M. Guizot s'adressait aux instituteurs; il ne les flattait pas, il ne lès trompait pas ; il se gardait de les pousser dans des voies non moins préjudiciables au pays qu'à eux-mêmes. Il ne supposait pas attenter à leur liberté; il croyait répondre au cri de leur conscience en ne leur permettant pas d'enseigner d'autre morale que la morale chrétienne, et il eût regardé com me un crime de les inviter à chercher la raison de nos devoirs en dehors de tout enseignement dogmatique. Mais, à de fortes convictions religieuses, M. Guizot alliait un profond sentiment des nécessi tés sociales. » Les nécessités sociales : c'est là le grand mot lâché. C'est là le rayon de lu mière qui va jusqu'au fond des choses. H ne s'agit pas en effet seulement de sauver la religion, il s'agit de sauver, de proté ger les débris épars et de reconstituer un jour, s'il eit possible, la vieille société aristocratique et féodale. Il s'agit de re lever le trône en lui donnant pour appui les castes d'autrefois. Il s'agit de rétablir, comme le demandent le pape et le Sylla~ bus, l'antique organisation du monde. Il s'agit de supprimer la souveraineté nationale et do ramener le peuple aux règles de l'ancienne servitude et de l'an cienne superstition....

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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