Extrait du journal
Marseille redevient d'actualité avec son exposition coloniale. De plus, le recensement quinquennal opéré en ces dernières semaines est une fête et une joie pour la ville qui s'intitule glorieusemgnt l'a seconde ville de France. Les Marseillais comptent bien que Lyon cessera de leur disputer la palme. Et ils ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes si les esprits les plus équitables ne se décidaient point encore à placer Marseille après Paris. Car les habitants de la cité phocéenne ont acquis une réputation de gens imâginatifs et un peu vantards. Essayons de rendre justice au Marseillais, cousin de Tartarin, mais, avant tout, on le verra, ami de la vérité. Pour quantité de Septentrionaux qui n'ont jamais mis le pied dans le Midi le Marseillais est brun, plutôt massif et trapu, avec une forte tête et de gros yeux très foncés : voilà pour le physique. Quant au moral, il est terriblement belliqueux... en paroles. Il clame « troun de l'er! » à la fin de chaque, phrase solennelle et il émaille la conversation de fréquents « bagasse ! » Si le Marseillais classique est l'homxne des entreprises gigantesques... sur le papier, il a aussi le ,cœur ouvert, la main tendue, le large rire fendant sans mesuré le visage toujours illuminé d'un délicieux bon garçonnisme... Les littérateurs méridionaux font surtout du Mar seillais un vaste blagueur, exagérant avec une ou trance systématique et fi ère d'elle-même. Ses récits sont destinés à clouer d'étonnement l'auditeur. Une sardine, par exemple, bouche l'entrée du port... ou tel Marseillais habite a réussi, par la force de son bras autant que par son pouvoir magique, à empê cher le Rhône de se jeter dans la Méditerranée... Le Marseillais de la tradition est partisan du « tout ou rien ». Il veut frapper l'imagination par l'évocac tion de l'absolu. Plus d'un chasseur de Daudet ren contre un merveilleux gibier. Par la bonté de la Pro vidence, tout entière tournée vers Marseille, le peu ple giboyeux défile en un jour devant tout disciple de Nemrod qui a eu le bonheur de naître en la cité phocéenne. Mais, par contre-coup, il 'arrive que tel chasseur, cependant issu de la même ville, parcourt des milliers de lieues sans voir seulement le plus in fime perdreau. Dans la Chasse an Chastre, le héros du livre poursuit, d'étape en étape, jusqu'à Rome le seul oiseau qu'il ait eu la chance de voir en une longue et fatigante journée... Ces traits sont produits par l'exagération des ro manciers. Au lieu de s'enorgueillir de leur avoir donné le jour, Marseille devrait les répudier, cax ils ont jeté un certain ridicule sur ses habitants, aux yeux du moins de ceux qui n'ont pas le privilège de les connaître. Et, d'abord, tous les gens de Marseille ne sont pas uniformément bavards, enthousiastes et vaniteux. Il y en a de taciturnes, de positifs, de réservés. Per sonne n'en a pu établir la proportion, tant est variée la physionomie il)orale de la vaste cité, <( Basasse i»...
À propos
Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.
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