Extrait du journal
Jean serrait son argent et repartait le soir même pour Paris. Il n'en serait plus ainsi désormais. Et Bourgin s'était demandé si, à son point de vue, il devait s'en félioiter ou s'en attrister. Du moment où il avait appris, de la bouche même de Jean, que ce dernier résiderait à l'avenir dans sa propriété;, Bourgin avait re tourné la question dans tous les sens. Et il aboutit à cette- conclusion: qu'il devait se réjouir du retour définitif de Jean. De nouvelles perspectives s'ouvraient à son ambition. Sa fille Valentine était une belle personne ; elle aurait une dot de trois cent mille francs, au bas mot. Pour être paysan, fils de paysan, on n'est pas un pauvre dia ble. Le père Bourgin ferait voir aux envieux —qui n'a pas les siens?—qu'il avait du« foin dans ses bottes ». Jean, presque ruiné — Bourgin savait à quoi s'en tenir — s'esti merait peut-être heureux de trouver là , sous sa main, une femme charmante, bien élevée et riche. Sans en avoir soufflé mot à personne autour de lui, l'homme d'affaires ruminait ce coup de maître.'Il serait temps de s'en ouvrir â sa femme et à sa fille au moment opportun, c'est-à-dire quand la situation do Jean aurait, été tirée au clair et lorsque Jean se serait aperçu do la beauté de Valentine. Il n'était pas aveugle, que diable! L'agent de la Lune était, de plus, ambitieux pour son propre compte, et dans le plan qu'il dressait pour le bonheur de sa fille, il ne s'oubliait pas. Bourgin voulait être juge de paix de son can ton, et peut-être un jour chevalier de la Lé gion d'honneur. Que faut-il, après tout, pour réaliser ce rêve? Un gendre, surtout si ce» gendre est en situation de devenir député tôt ou tard. Or, Bourgin se promettait de pousser Jean dans la politique ; il travaille rait pour lui l'arrondissement, sans avoir l'air d'y toucher. Quelques mots lancés à propos font un trou dans l'opinion, comme la goutte d'eau dans lé rocher. Il est vrai...
À propos
Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.
En savoir plus Données de classification - gambetta
- bourgin
- léon gambetta
- lebleu
- guillaumou
- grévy
- thiers
- de mac-mahon
- brugnot
- valentine
- france
- paris
- valentine
- marseille
- londres
- belleville
- algérie
- lyon
- laon
- amiens
- la république
- parti républicain
- république française
- l'assemblée
- quelques mots
- union postale universelle
- union
- notre maison