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Le Siècle, 4 mai 1840

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Le Siècle
4 mai 1840


Extrait du journal

Certains journaux qui attaquaient il y a deux jours M. Dupont (de l'Eure) avec un cruelle injustice font son éloge à présent; sous prétexte qu'ils ajoutent foi depuis son refus à un désintéressement qui auparavant leur était suspect. Il ne faut pas pourtant que l'o pinion soit dupe" de cette éternelle comédie et que la gauche, par des scrupules exagérés ou par une fausse appréciation de ses de voirs, livre à jamais à ses ennemis toutes lès positions où il serait possible soit de faire le bien, soit d'eç^ècher le mal. Qu'est-il ar rivé depuis dix ans ou plutôt depuis vingt-cinq ans, à l'exception peut-être de quelques mois qui ont suivi la révolution de juillet? C'est que toutes les hautes fonctions politiques, administratives et judiciaires ont été données aux hommes qui, sous l'un et l'autre ré gime, avaient la prétention exclusive de passer pour conservateurs, c'est-à-dire presque toujours aux ennemis de l'opinion libérale. Les conservateurs, naturellement, ont trouvé ce système excellent; tous leurs efforts ont tendu et tendent encore à le perpétuer. D'un au tre côté, les libéraux trouvaient les fonctions publiques fort mal occupées, et ils n'avaient pas tort ; mais s'il survenait par hasard une occasion où quelques uns des leurs fussent en mesure d'obte nir honorablement ces fonctions, il ne manquait pas de gens armés de raisons concluantes pour les en détourner et ne trouvant rien de si beau qu'un refus. Il semble qu'un parti politique n'existe et n'ait de valeur qu'à la condition de travailler sans cesse à faire préva loir ses idées et à s'approcher du pouvoir, qui seul fournit les moyens d'exercer une grande et décisive action sur les affaires. Eh bien ! il y a un grand nombre d'esprits toujours disposés à prendre en défiance les hommes les plus irréprochables de leur parti, s'ils les soupçonnent de prétendre, quels que soient leurs titres et leurs intentions, à une part d'influence dans le gouvernement. Quand on a dit de quelqu'un c'est un ambitieux, 'indépendam ment du but qu'il poursuit et des moyens qu'il prend pour y par venir, c'est un arrêt dont il n'est pas facile de se relever ; mais à ce compte, comment entend-on que les idées avancent et que le pays soit bien gouverné? Cherchez dans les ambassades, dans la haute administration, dans le conseil d'état, à la tête des parquets et de la magistrature, presque partout vous verrez en immense majorité des hommes opposés aux principes libéraux de la révolution de juillet. Faut-il donc absolument que le pays soit représenté au de hors par des hommes de l'opinion de M. le marquis de Dalmatie ou de M. de Montebello ? Que les préfets soient dévoués corps et âme au système du 15 avril? Que le conseil d'état se recrute sur le modèle exclusif de M. Girod (de l'Ain)? la cour des comptes de M. Barthe? la Monnaie de M. Persil ? le parquet de MM. Franck-Casré ou de la Tournelle?la cour de cassation de MM. Portalis ou de Bastard? Fran chement cela ne nous parait pas plus nécessaire que désirable; mais il y a un système de gouvernement qui s'accommode fort bien d'un tel état de choses et on rencontre dans une partie de la gauche des pré jugés qui ne permettent guère que les choses se passent autrement. Mous nî saurions trop le répéter, ces préjugés sont absurdes, et il faut se garder de les confondre avec les scrupules d'une cons cience droite qui subordonne toujours les avantages privés à l'in térêt public, et l'ambition la plus légitime à un devoir d'honneur. C'est là la distinction qu'il importe de faire. Il y a des règles géné rales d'ordre et d'équité qui doivent être imposées à tous les partis : celles par exemple qui s'opposeraient à l'invasion d'un trop grand nombre de fonctionnaires dans les chambres ou d'un trop grand nombre de députés dans les fonctions publiques. Mais un parti qui se concerterait en quelque sorte avec ses adversaires pour se créer des obstacles et se frapper lui-même d'interdictiop en leur laissant...

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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