Extrait du journal
La question de l'éducation politique, importante dans tous les pays, est fon damentale dans un régime comme le nôtre, dans une république démocratique. Dans les vieilles monarchies, où tout se concentrait autour" du prince, l'éducation du futur souverain était une grosse affaire : on sait, pour s'en tenir au XVIIe siècle, que Bossuet y échoua et que Fénelon doit seulement à la mort prématurée de son élève, le duc de Bourgogne, l'honorable supposition d'y avoir réussi. Aujourd'hui, il ne s'agit plus d'élever un dauphin, grand ou pe tit. C'est de l'éducation d'un peuple en tier qu'il s'agit, d'un peuple d'hommes libres et de citoyens qui peuvent dire à la lettre :« l'Etat, c'est nous. > L'éducation du nouveau souverain est-elle assurée, se fait-elle régulière-, ment, universellement î On voudrait pouvoir le croire. Il faut en convenir,, si l'instruction a pris les plus larges développements, si le nombre des illet trés diminue tous les jours, si nous sommes à la veille de ne plus trouver en France un homme et môme une femme qui ne sache lire, écrire et comp ter, en revanche nous n'oserions pas dire que l'esprit public a contracté ces habitudes, ces mœurs, ces dispositions dont l'ensemble caractérise une épo que et une nation et qui sont le fruit de l'éducation conçue et dirigée dans l'intérêt dé la chose publique. Cette absence d'éducation politique ne s'aperçoit pas d'une façon continue, il ; peut se passer des mois, sinon des anr ' nées, où elle ne se fait pas sentir. Ainsi la conversation d'un fou peut nous abu ser par sa netteté, sa logique, pendant des heures. Mais tout à coup un mot, un geste, nous rappelle à qui nous avons affaire. Vienne un incident poli tique, pas môme une crise, un simple incident, alors se .trahit brusquement le manque d'éducation politique. Il se manifeste par l'indécision des uns.l'affolament des autres, l'inquiétude de tous. Exagérons-nous ? Qu'on se donne la peine de penser à « Thermidor ». Il a suffi de ce mince objet pour por ter le trouble dans l'es esprits, et jusque sur la place publique. Et les plus forts, les plus renommés pour leur énergie et leur résolution ont paru aussi embarrassés que le commun des mortels. Ah! je comprends cet em barras. Ils ne l'auraient pas éprouvé s'ils s'étaient sentis entourés d'une masse de citoyens assez sûrs d'euxmêmes, assez pénétrés et, disons-le, assez fiers de la solidité des principes démocratiques, pour ne pas s'émou voir autrement des intentions mesqui nement malignes d'un fabricant de dra mes sur commande.S'il y avait eu dans ce pays un vigoureux esprit public,.néd'une éducation politique sérieuse et soutenue, le gouvernement aurait vu du premier coup la solution; ,1'esprit public la lui eût indiquée nettement. Au lieu de cela, que constatons-nous tous les jours ? Le gouvernement attend la direction du pays et le pays attend la direction du gouvernement. De cette attente réciproque, c'est -ia liberté qui souffre. En somme, il ne s'agit de rien moins que de l'unité morale de la nation. A ne voir que la surface des choses, celte unité existe. Au fond, il y a de sérieu ses divisions, d'inquiétantes divérgen-...
À propos
Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.
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