Extrait du journal

chèrent seules de se laisser accabler par son j chagrin. Le jeune peintre était devenu l'hôte assidu de la villa. Il était le seul ami qui restait à Marthe. Tous deux avaient une telle con fiance en eux qu'ils ne songeaient pas que le sentiment qui les attirait l'un vers l'autre pût prendre un jour une autre forme que celle que lui donnait l'amitié. Encore moins ils songeaient que le monde pût trouver dans leur liaison une source de calomnies. Ils ne connaissaient plus rien de ce monde, et ce n'est pas aux Roches-Brunes qu'il se fût trouvé quelqu'un pour mal parler de la bonne petite dame. Celui-là se fût fait écorcher vif. Le jour où nous reprenons notre récit, Mme Lorin et Maurice sont dans le jardin de la villa. A quelques pas d'eux, un enfant court en poussant un cerceau devait lui. C'est Marcel. Parfois il s'arrête et, tout es soufflé, il revient près de sa mère, qui le gronde de s'échauffer ainsi. L'enfant écoute en baissant la tête, puis il repart bientôt pour recommencer sa course folie, au grand détriment des plates-bandes, dans lesquelles le cerceau pousse quelquefois une pointe in discrète. Marthe est vêtue de noir. Sa beauté n'a point souffert de ses épreuves,; mais un voile de tristesse assombrit son visage si radieux autrefois. Ellemarcha doucement, s'appuyant sur le bras de Maurice. Maurice souffre. Il n'a pu vivre longtempsen contact avec Mme Lorin sans éprouver pour elle une affection que l'amitié ne satis fait plus. Il a lutté. Aimer Marthe, dans la situation où il est vis-à-vis d'elle et de son mari, c'est un crime. Son honnêteté se ré volte à cette, idée. Il lutte encore ; mais il se sent vaincu. Son secret l'étouffé. Il va lui échapper. Partir ! le devoir lui commande son départ. Il y a pensé, il y a longtemps déjà, quand il s'est rendu compte des progrès que faisait son amour. Toujours il a reculé. Si Mme Aubin vivait encore, il n'eût pas hé...