Extrait du journal

ma façon qui peut-être ne l'aurait pas fait rire ; mais il me tourna le dos, et d'un pas pressé, comme s'il avait craint de laisser re froidir sa soupe, . il regagna son logis où naturellement je ne m'amusai pas à le suivre. » Un peu après on mit en vente le portrait du commandant Bienassis, en grand uni forme et décoré de la Légion d'honneur. Une physionomie pleine de bonté comme celle de sa fille, et l'air d'un soldat intrépide au feu, mais qui n'a pas dû être maître dans son ménage. Peut-être ai-je deviné cela ; parce que je l'avais entendu dire. Cependant le vieux me plut à cause de la ressemblance qu'il avait avec Désirée, et j'achetai vingt francs son portrait qui ne me fut pas dis puté. Quant à ceux de la mère et du frère, le commissaire-priseur, qui avait sans doute envie de rire, me les offrit pour trente sous pièce, mais je le regardai d'un air si sérieux qu'il rengaina sa plaisanterie et les remit sur la table, où personne ne voulut les ache ter. Je crois qu'on dut les jeter dans les ba layures. » Je les vis pourtant et même je les re gardai tous les deux assez longtemps; mais, malgré l'air de famille, ils différaient au tant de la céleste Désirée qu'un crapaud d'un oiseau-mouche. La mère était une grosse femme importante et empesée, vêtue de velours, décolletée, qui avait dû se croire belle, qui l'était peut-être à vingt ans, mais qui n'était trente ans plus tard, quand on fit son portrait, qu'une masse de chair défor mée par l'âge, par la graisse, par la bonne chère et une vanité ridicule. ' » Mes deux acquisitions étant faites, j'al lai me promener sur le Mail, avec mon ami Kaled, qui m'avait regardé faire avec son calme imperturbable et sans me dire un mot. Quand nous fûmes seuls sous les- ar...