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Le Siècle, 13 décembre 1840

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Le Siècle
13 décembre 1840


Extrait du journal

Nous rie salirions comprendre dans quel intérêt on cherche en ce moment à tromper le pays sur sa véritable situation. Pendant que les ministres, dont ce serait le devoir de soutenir l'esprit public au milieu de la crise où nous sommes, s'appliquent au contraire à le décourager, nous voyons qu'au dehors les confldens dë la pensée ministérielle travaillent avec une inconcevable ardeur à seconder par leurs prédications le ~vœu des étrangers qui enjoignent^ noire gouvernement de désarmer s'il veut avoir la paix. , . r i II ne s'agit plus, cependant, de l'armement extraordinaire poussé jusqu'à 639 mille hommes de troupes de ligne, lesquelles devaient s'appuyer sur une réserve de trois cent milïè hommes de la garde nationale mobile. Personne, depuis le vote de la chambre, ou plu tôt depuis la retraite forcée du dernier cabinet, n'a pu raisonnable ment y songer. A partir du 2 octobre, il est demeuré évident pour tout le monde, pour les puissances étrangères aussi bien que pour nous, que le gouvernement français abandonnait la pensée de sou tenir sa parole, celle des chambres, celle de tous les ministères qui s'étaient succédé, ses alliances, sa dignité enfin, au prix de sem blables efforts. Jamais l'étendue des sacrifices qu'il aurait fallu s'im poser pour repousser la loi injuste de l'Europe et pour maintenir la France à son rang n'a été méconnue. Il s'agit seulement de sa voir si c'était payer trop cher l'honneur du nom français, sa puis sance morale dans le monde et la plein ï sécurité de l'avenir, dont un système de concessions pusillanimes ne noûs mettra jamais en possession. Le3 uni ont trouvé que c'était prudence de ne point se laisser emporter trop loin par un mouvement même légitime d'or gueil national ; les autres ont jugé que c'était faiblesse de reculer toujours. Mais il ne faut pas oublier que la résolution de la majori té, à la suite de faits accomplis et malheureusement irrévocables, a été le résultat d'une sorte de transaction entre deux opinions qui s'étaient combattues devant elle. La majorité parlementaire; dont les manifestations répétées, sur la connaissance des faits acquise pendant lés débats, ont forcé la commission de l'adresse à refondre entièrement son premier pro jet; la majorité, disons-nous, a exprimé le désir du maintien de la paix ; mais elle a voulu que l'expression de ce désir fût plus digne et plus fermé que ne l'avait souhaité le ministère -, elle a voulu surtout que la France attendit en armes la solution des graves difficultés nées de la convention du 15 juillet. Telle est aujourd'hui la situation. L'attitude assurément, après tous les affronts qu'on nous a fait subir, n'est ni trop haute ni trop fière ; filais, comme nous l'avions prévu, elle déplaît encore à nos voisins, elle les gêne, elle les inquiète, et il se trouve des gens par mi nous qui s'efforcent de faire pénétrer dans le public et dans le parlement cette pensée que la sécurité serait bien plus complète si noius voulions nous confier à leur étoile et ne point nous garantir du tout. Le Journal des Débals, à qui il ne coûte guère, comme on sait, de faire en peu de temps beaucoup de chemin à reculons, ^'est jeté hardiment dans cette voie. Ses commentaires scandaleusement exa gérés sur le projet des crédits extraordinaires pour 1840 étaient déjà une indication sérieuse du but où il voulait conduire les es prits. Aujourd'hui, par des rapprochemens sans bonne foi avec la position do la France en 1830 et 1831, il cherche à persuader au pays que toutes les alarmes sont vaines, qu'il n'y apoint de danger réel; que tous les cabinets de l'Europe ou sont d'une extrême bien veillance pour le nôtre, ou craindraient de pousser à bout la révo lution ; d'où il suit naturellement que nous n'avons point de pré cautions extraordinaires à prendre, et que nous pouvons complète ment nous reposer sur la sagesse de notre pacifique gouvernement...

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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