Extrait du journal

Le plus admirable sujet qui puisse . tenter la raison, le cœur et l'imagination d'un historien, c'est assuré ment cette immense rénovation nationale et sociale qui porte dans les annales du monde le nom de 1789. Tout un peuple s'arrachant à ses vieilles et confuses tradi tions, le chaos politique s'organisant, la loi, le droit, l'unité, la liberté, la justice sortant de .cette créa tion , temme autrefois la lumière sortit du Verbe ; une assemblée composée de talents prodigieux prenant la direction d'un mouvement plus prodigieux encore ; une royauté séculaire s'écroulant sous sa propre insuf fisance ; les derniers vestiges de l'esclavage s'évanouissant partout-, le clergé , la bourgeoisie, l'armée, Je .peu ple des travailleurs, les villes et les campagnes s'éveillant à une vie nouvelle ; l'Europe et l'Amérique assistant à ce spectacle, ici avec le frémissement de l'effroi et de la surprise, là avec la sympathie de l'enthousiasme. Quelle série de tableaux magnifiques, de récits sublimes ! quel monde d'événemens et d'hommes à ravir au tombeau et à rétablir dans,la vérité et dans la vie ! Mais aussi, quelles difficultés presque sans bornes, quels labeurs, quel génie pour atteindre la splendeur d'effets, la portée politique de celte époque immense devant laquelle la France fut assurément la plus grande des nations de l'univers ! Un seul homme pouvait aborder sans crainte ce champ de l'infini. Les orages qu'il a si noblement tra versés ont montré chez lui un cœur à la hauteur de tous les événemens; les poèmes qu'il a écrits,, et qui avec ceux de Byron et de Châteaubriand ont réveillé la vraie poésie sur notre sol matérialisé par les guerres, attestent assez que son style peut lutter avec la réalité dans ce qu'elle a déplus écrasant; les histoires qu'il a déjàçomposées, et dont l'une, celle des Girondins, a été l'éclair précurseur de la révolution de février, ont fait voir que sa plume savait tous les secrets de la grande politique et du gouvernement des hommes. Ge poëte, cet historien, ce modérateur de révolutions, cet orateur qui pouvait seijl tenter une si périlleuse épreuve avec la certitude du succès, chacun de nos lec teurs l'a déjà nommé : c'est Lamartine. Et, en effet, Lamartine a réussi au delà môme des espérances de ses plus sincères admirateurs, même ai} delà des siennes....