Extrait du journal

• Cetteréflexion est d'un galant homme, s'écria le poète, cependant rien n empêche que nous ne fassions l'cloge de leur beauté. — C'est trop juste, dit le banquier, il faut savoir à qui l'on boit. Je vais vous dépeindre la beauté qui m'est chère. «Elle a les plus beaux yeux noirs et les plus beaux cheveux noirs du monde... C'est du jais, c'est de l'ébène... » — Comme celle qui m'est chère, dit le magistrat. — Comme celle qui m'est chère, ajouta le poète. « Elle a la plus adorable taille qu'on puisse .voir, ce qui est, comme vous le savez, la perfection de la femme, taille svelte et dégagée, comparable aux pal miers des Cantiques. » — Comme celle qui m'est chère, dit encore le magistrat. — Comme celle qui m'est chère, reprit aussi le poète. « Elle a un pied comme on n'en voit plus, un de ces pieds dont le moule estperdu et qui atteste l'oisive élégance d'une illustre race. » Comme celle qui m'est chère, continua le magistrat. — Comme celle qui m'est chère, poursuivit le poète. » Les trois amis'se regardèrent avecétonnement. « Vous avez pu la voir, du reste, reprit le banquier en souriant, tous les sa medis aux Italiens, tous les dimanches à Saint-Roch. — C'est étrange, se prit à dire le magistrat, voilà encore un trait de plus qui s'ajoute à mon portrait. — Et au mien, » repartit le poète. L'étonnement redoubla. « Vous vous trompez, s'écria le banquier, 11 «e peut pas y avoir de femme qui ressemble à la comtesse... à la femme que j'aime, veui-je dire. — A la comtesse ! — A la comtess» ! » Ces deux exclamations témoignaient d'une nouvelle surprise, plus forte en core de la part des deux autres convives. a Serait-il possible, dit le banquier confondu, que nous occupassions la mê me place dans le coeur de... mais non.. Cependant vous connaissez cette char mante veuve... vous êtes reçus chez elle, quoique je vous y voie rarement. En vérité, je m'y perds. » Dans cet instant le domestique du poète entra, apportant un bol de punch et un billet parfumé qu'il remit à son mattre. Il lui dit à 1 oreille qu'une dame at tendait en bas la réponse, dans sa voiture. « C'est l'écriture de la comtesse Irma, ne put s'empêcher de dire le magis trat, qui avait jeté les veux sur l'adresse du billet. — C'est bien cela, ajouta le banquier en regardant à son tour la missive. — Messieurs, d it le poète confus, ne profitez pas d un secret que le hasard et non ma volonté vous livre. La comtesse en effet m'honore des gracieuses confi dences de ta pensée. —• Et nou* aussi, s'écrièrent les deux autres....