Extrait du journal

FRANCE SPiurls * 13 mai, Les applaudissemens du public ont déjà répondu aux acclama tions de la chambre à propos de la communication du gouverne ment sur la translation prochaine des restes mortels de Napoléon. L'effet de cetie nouvelle a été immense, et la pensée, en elle-même grande et généreuse, a été jugée indépendamment de certains dé tails d'exécution qui ont attiré ce matin l'attention trop exclusive de quelques journaux. Nous aurions souhaité nous-mêmes, et nous l'avons dit, le choix d'un autre emplacement que celui des Invalides. Sous la garde de nos vieux soldats, à l'ombre des drapeaux que la France aconquis, l'ombre du grand capitaine dominera de toute sa hauteur les monumens du maréchal de Vioménil, du duc de Coigny, du général Damrémont. Là, comme ailleurs, il sera suivi du cortège imposant de ses victoires et des souvenirs de l'empire. Toutefois, puisque c'était en lui l'homme extraordinaire, le génie incomparable qu'on voulait honorer, nous aurions mieux aimé qu'on déposât ses cendres soùs le piédestal delà colonne Vendôme ou sous l'arc triomphal de l'Étoile. Ces monumens sont de son époque, il en est le fondateur, ils parlent de lui, ils sont chargés de ses trophées, ils portent son noni et 'son image ; sous leur base de bronze ou de granit Napoléon eût reposé dans le majestueux iso lement de sa gloire. Ce sont là, au reste, des considérations que le gouvernement aura à examiner, et qui, à nos yeux, n'affaiblissent en rien le mé rite de l'acte lui-même. Beaucoup d'autres objections ont été soulevées -par ceux-là pré cisément qui avaient le plus ardemment sollicité la mesure. En pa reille occasion, c'est à l'intention surtout qu'il faut s'attacher -, or cette intention nous a paru noble et patriotique : c'est par là qu'elle a obtenu notre entière adhésion. Le National et le Copilote y voient le signal d'un ébranlement prochain de toute l'Europe. Malheureux ! s'écrient-ils, pourquoi toucher à l'épée du conquérant? Ne craignez-vous pas qu'elle s'a gite dans vos mains et qu'elle se tourne contre vous ?—Celui-ci ne sait aucun gré,au gouvernement d'une décision que pourtant il approuve* C'est, dit-il , le commencement d'une résignation nécessaire aux ordres du destin. Celui-là serait tenté de blâmer au nom de ses principes, et il en aurait le droit; mais retenu par l'unanimité du sentiment populaire, il s'incline de mauvaise grâce et cherche prudemment un détour. Il ne conçoit pas qu'on se pré pare à aller avec appareil chercher si loin les cendres de l'empe reur. «Que va-t-on faire? s'écrie-t-il. Déferrer... Quoi ! violer la religion des tombeaux , glacer à sa source cette* poésie du malheur et substituer les détails vulguirss d'un enterrement à cette apo théose recueillie des souvenirs? Nous sommes de ceux qui pensent que la captivité douloureuse de Sainte-Hélène ajoute à la grandeur. morale de la vie de Napo léon ; et cependant nous félicitons le gouvernement d'avoir songé à restituer ses glorieux restes à sa patrie. Sainte-Hélène, c'est le Calvaire : le nom de l'hcroïque victime y restera à jamais gravé; mais le dernier tombeau, commel'aditM. le ministre de l'intérieur, devait être élevé sur la terre de France. Il n'y a point là de profanation ; c'est au contraire l'accomplissement d'un vœu touchant exprimé par Napoléon lui-même : « Je désire, » a-t-il écrit à ce moment su prême où l'âme se recueille pour exprimer ses plus chères volontés, « je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au v milieu de ce peuple français que j'ai tant aimé ! »...