Extrait du journal

Les trois voyageurs s'assirent sur le gazon et commencèrent un repas plus que rustique, ma s nécessaire, car la ville était encore éloignée. — Ah çà ! Maurice, reprit Roger en s'adressant à son ami qui restait plongé dans sa mé ditation, il paraît que la belle nature te donne le spleen. Ou bien es lu pris d'un accès de ly risme, et nous fabriques-tu quelque égiogue sur les paysannes et sur les vertus champêtres? — Les vertus champêtres, j'y crois peu, ré pondit Maurice. — Mais, fit Noël, les paysannes, quand elles sont jolies? — Jolies ! avec d°s mains calleuses et des ongles en deuil ? , — Voilà pourtant l'aristocrate qui se pré sente, comme candidat démocratique, fit ob server Roger. — On peut être démocrate et apprécier mé diocrement les mains noires. — Bah ! ce n'est qu'un détail, dit Noël. — Ainsi, dit Maurice à ce dernier, tu serais capable d'aimer une paysanne ailleurs qu'à l'Opéra-Comique ? — Pourquoi pas! Qu'est-ce, en effet, quo l'amour? • —Il y a beaucoup de manières de l'entendre. Pour le grand nombre, ce n'est qu'un instinct; pour la faible minorité, c'est un sentiment; pour l'exception des raffinés, c'est un luxe, c'est un art. — Non, répliqua Roger, l'amour, c'est le caprice. — Oh! fit Noël, l'amour n'est qu'une fari bole. — Enfin, pour moi, reprit Maurice, l'amour est la recherche d'un idéal peut-être impos sible. ' — Voilà qui est bête, s'écria Roger. ^ — Et rococo, ajouta Noël. — C'est tout ce que vous voudrez, mais c'est ainsi, répliqua Maurice. Cela explique pourquoi je n'ai pas encore aimé sérieusement. J'ai pour tant du sentiment, voire même une certaine dose d'esprit romanesque, enfin tout ce qu'il faut pour être amoureux à en perdre la tête. Je puis cependant aimer un instant, dans le pre mier enthousiasme d'une rencontre imprévue, alors que mon imagination fait la plus grande partie des frais. Mais c'est là précis ment qu'est le défaut de mon organisation. I j fais...