Extrait du journal

Nous venions d'arriver pour renforcer ceux qui avaient pris une fois encore la redoute et malgré la mitraille boche qui,, des hauteurs voisines, reprenait son tir serré sur nous, nous nous risquions à contempler les alentours. Bien qu'elle ne soit pasia plus haute, la cote 3'6 que nous dominions permet de découvrir un merveilleux panorama. Là, à l'est, cet, amas sur la cote 388, c'est ce qui reste du fort de Douaumont. La faible distance qui nous en sépare, quelques centaines de mètres seulement, permet de distinguer les mouvements de l'adversaire. A nos pieds, ce ruban souvent inter rompu c'est l'emplacement dé la route de Douaumont à Fleury; qui nous est masquée là-bas, mais d'où nous par viennent xies cris et bruits de bataille. Derrière nous, dominant notre posi tion, c'est la côte de Froide-Terre. Des officiers passent, le front sou cieux. ' — Soyez prudents, les enfants! Le chef de section appelé un instant nous revient et passe une consigne. — Les gars, paraît qu'il va falloir reculer! — Reculer? Penses-tu? — On peut tout de même pas se faire tuer inutilement, qu'il a dit le colon, alors préparez-vous à la prochaine alerte. D'ailleurs c'tst pour mieux sau ter. On reviendra. L'alerte ne vient pas. La canonnade, pourtant, redouble.® Les obus boches et les nôtres s'entrecroisent au-dessus de nos têtes avec un sifflement sinistre. Nos tranchées — ou plutôt nos dt»ris — sont bouleversées. Obéissant à.l'ordre re çu, nous rejoignons la deuxième ligne et, dans la proiondeur des sapés, nous at tendons, prêts à l'attaque, le commande ment. Le vacarme continue, indescriptible Notre tour de garde est venu. Il est minuit et, jusqu'à trois heures et demie du matin, nous devons, à quel ques-uns, veiller. La nuit est noire, le canon s'est tu. Parfois un coup de feu, sec comme un coup de fouet, déchire l'air. De temps en temps une lueur. C'est uç groupe de branches qui brûlent soit à l'emplace ment du bois de la Caillette, soit dans lé bois du Chapitre où la fusillade com mence intense. Vers deux heures du matin les nôtres reprennent la danse et, rageurs, nos 75...