Extrait du journal

Odéon : Reprise de Michel Pawper, pièce en cinq actes, en prose, de M. Henri Becque. — Re naissance : Tailleur pour dames, vaudeville en trois actes, de M. Georges Feydeau. M. Henri Becque est un homme terrible qui se plaît à donner tort à ses admirateurs les plus sincères, — et il a beaucoup d'admira teurs sincères. Lorsqu'il a fait une belie scène, naturelle, vraie, bien conduite, quel que chose en lui se révolte et lui souffle que ce serait chose honteuse de s'efforcer ' de plaire au public; que son rôle dans la vie est au contraire de le révolter ! Et immédiate ment il se met en devoir de le révolter— et il y réussit, vous pouvez m'en croire ! Certains assurent que cet écrivain si rem pli dè talent, qui trouve si facilement l'ex pression nette, claire, juste des sentiments qu'il veut èxprimer, qui sait si bien mettre en lumière, les travers de ses personnages, a lui-même un petit travers — celui d'imagi ner qu'il a beaucoup d'ennemis. Il n'en a, pas tant que cela, je pense ; mais il en a un qui lui joue des tours pendables, dont il der vrait se garer —un ennemi terrible et qui le poursuit sans trêve : c'est lui-même. Lorsque M. Becque fit jouer naguère une pièce—pleine de talent, elle aussi—une étude cruelle d'un cas particulier, il s'avisa d'appeler cette pièce la Parisienne. C'était un outrage gratuit, immérité, et l'auteur eut contre lui toutes lés Parisiennes. Or, au théâ tre, comme ailleurs, c'est terrible d'avoir contre soi les femmes. Il aurait suffi, pour apaiser les spectatrices, de changer le nom de'sa pièce. Mais M, Becque n'est pas homme à faire des concessions. Nous l'avons, du reste, vu l'autre soir. Michel Pauper est un ouvrier qui est un peu plus qu'un ouvrier ; il a fait des études au Conservatoire des arts et métiers, sa tête travaille perpétuellement, il fait des décou vertes et d'autres en profitent. Au moment où il entre en scène, l'homme qui l'exploite...