Extrait du journal

Léa resta inflexible ; elle n'eut pas unë caresse à donner en réponse aux déclara tions passionnées de Froïm; elle ne songeait qu'au rendez-vous dont l'heure approchait et que son mari pouvait lui faire manquer. Il voulut, pour la retenir, l'enlacer dans ses bras, elle se dégagea brutalement de son étreinte et s'élança vers la porte en disant froidement : . - — J'ai dit à ma mère ' que j'irais lavoir aujourd'hui, et je ne peux m'en dispenser. . —Léa, dit-il de nouveau, n'oublie pas, au moins, que tu m'as promis de ne point retourner chez ce charlatan, cet impos teur, ce... — Ce que j'ai promis je le tiendrai, répliqua-t-elle avec un sourire narquois, en ajus tant le mouchoir de couleur qui couvrait sa tête. — Si tu savais quel fripon il est, conti nua Froïm. Léa tapa du pied. —Tais-toi, cria-t-elle, en se bouchant les oréilles ; je ne peux t'entendre blasphémer de la sorte ; ma mère avait raison : tu ës jaloux... . — Moi, jaloux de ce charlatan, de cet hy pocrite, de cet imposteur, de ce faux pro phète, de ce traître, ce misérable ! Sa colère montait avec chaque épithète dont pas une ne contentait sa rage et son mépris-, elle déborda dans ce simple mot jeté d'une voix rauque : — Un faux-monnayeur ! La jeune femme recula saisie, elle se re mit aussitôt. — Un faux-monnayeur I répéta-t-elle avec dédain! décidément la jalousie t'a fait perdre la raison... Ma mère rira bien quand je lui dirai que tu oses appeler notre rebbe un faux-monnayeur... L'ouvrier tressaillit à ces mots; un.frisson? le secoua; il porta vivement la main sur sa bouche pour retenir les paroles imprudentes qui lui avaient échappé, il se souvint de sa promesse de garder le silence, et se rappela...