PRÉCÉDENT

Le Siècle, 22 avril 1889

SUIVANT

URL invalide

Le Siècle
22 avril 1889


Extrait du journal

L'Exposition ne serait qu'une solennité fo raine si l'on y cherchait uniquement un spectacle combiné pour éblouir les visiteurs. La France veut trouver dans cette grande fête un souvenir de la Fédération de 1790, et mériter l'estime des étrangers non seulement par l'étalage de sa richesse, mais par des preuves éclatantes de sa force. Rien ne sau rait mieux attester notre force que l'unani mité de nos sentiments patriotiques, et le pa triotisme impose comme règle impérieuse à ce pays si éprouvé l'union de toutes les opi nions honnêtes. Cette union ne peut se fonder que sur le respect de la légalité. La devise de 1790 résumait ce devoir dans la formule : la Nation et la Loi. C'est cette devise qui brillait sur les étendards déployés à la Fédération ; elle doit rallier aujourd'hui tous les Français; il n'en est pas qui puisse inspirer au monde une plus haute opinion de notre patrie. Un million d'étrangers, peut-être, vont par courir Paris pendant six mois ; il se rencon trera, dans cette multitude, beaucoup d'en vieux, plus d'un ennemi, bon nombre d'esprits qui, sans malveillance systématique, sont dis posés à" nous juger d'après des impressions erronées. On répète à Berlin et dans d'autres capitales que nous sommes affaiblis par d'inconciliables dissentiments, incapables de nous élever au-dessus de nos différends du jour par un de ces élans qui prédisposent un peuple aux généreuses initiatives. Il importe de confondre ces préjugés, de montrer aux étrangers que la France, malgrérletâpage de certaines orgies politiques, demeure résolue dans ses aspirations vers la vraie démocratie et la vraie liberté. Voilà l'enseignement qui doit se dégager de l'Exposition. Cet enseigne ment, qu'on en soit sûr, produira plus d'effet sur les visiteurs, accourus de tous les points du globe, que le défilé de cent mille soldats et de dix mille canons. Il n'y a de force réelle que la force morale. On nous reproche d'en manquer; il faut qu'on soit convaincu qu'on nous calomnie. A ce point de vue, l'Expositon sera une ex cellente préparation aux élections. Un échange d'idées plus intime va s'étabtir entre Paris et les départements. La situation du pays, ses besoins seront examinés. On aura tout le loi sir d'étudier le bilan des dix-huit années qui nous séparent de la guerre de 1870, et il est impossible qu'on ne reconnaisse pas l'éten due des résultats obtenus dans cette période de régime républicain. Nous ne voulons dissi muler aucune des fautes qu'on a commises; nul gouvernement n'est irréprochable. Mais, si l'on compare la France de 1871 à la France de 1889, quel sujet de consolation et d'espé rance ! La paix maintenue avec l'Europe, notre or ganisation militaire reconstituée, l'instruction populaire assurée, une transformation écono mique prodigieuse en voie d'achèvement, de sérieusesréformes sociales opérées, la liberté toujours respectée, malgré des excès qui ont risqué de la compromettre 1 L'esprit le plus obtus ne saurait contester ces faits. Le pays s'est fortifié, la démocratie a grandi ; tel est le résumé du travail de ces dix-huit années. Que faut-il peur conserver et accroître ces bienfaits ? Un esprit de sagesse et de pa tience. Le suffrage universel commence àpeine son éducation ; il était bien inexpérimenté au sor tir Je la tutelle impériale, et, à la lumière de ses propres fautes, il est arrivé peu à peu à ce degré de discernement où il sera capable de préférer aux charlatans qui l'exploitent les hommes d'opinions modérées qui le servent sans le flatter. L'avenir n'apporte que des motifs d'espérance, mais plus d'un effort est encore nécessaire, et ces efforts se manifeste ront spontanément si le pays, livré pendant quelques mois à ses inspirations, a la possi bilité de préparer avec maturité le verdict qu'il sera bientôt appelé à rendre. L'Exposition sera comme un arrêt dans la course effrénée de la politique, une phase de recueillement, de considérations rétrospecti ves, d'appréciations équitables du présent, d'études réfléchies sur les décisions qu'il...

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

En savoir plus
Données de classification
  • rougé
  • benoist
  • catargi
  • vernesco
  • boulanger
  • crispi
  • lascar
  • pierre
  • floresco
  • kasson
  • france
  • londres
  • mariette
  • açores
  • missouri
  • lisbonne
  • vienne
  • bucarest
  • paris
  • allemagne
  • union
  • plaisir de savoir
  • armée prussienne
  • journal officiel
  • parti conservateur
  • bayard
  • union postale