Extrait du journal
Lens, 20 avril. — Dans l'affaire de Lié vin, des renforts fuient demandés. Deux compagnies du 106° , des dragons et des hussards arrivèrent. A différentes reprises, les manifestants entrèrent en contact avec la troupe sur laquelle ils faisaient pleuvoir une grêle de pierres partant des jardins, des fenêtrès et des toits des maisons. Les femmes, de leurs fenêtres, insultaient les sol dats. Il fallut mettre des postes .dans toutes Les rues pour tâcher de déblayer la grande voie con duisant à la fosse de Liévin. Les soldats d'infanterie, précédant la cavalerie, avançaient à grand'peine, car il leur fallait couper les innombrables fils télégraphiques tendus en tra vers de la route et les emporter avec eux pour empêcher qu'ils ne fussent tendus à nouveau der rière leur passage. Un détachement d'infanterie, commandé par le lieutenant Lallemand, réussit à s'avancer avec des dragons et des hussards très près de la barricade, les soldats la baïonnette au canon ou le sabre à la main. A. différentes reprises, les officiers durent • sortir leurs revolvers. De tous côtés les pierres arrivaient vers la barricade. Le détachement dut rebrousser chemin, car il n'était plus en force. Le retour fut encore plus pénible que l'aller. 1 A la- hauteur de la Saint-Amet, l'agression des grévistes fut si . violente que le lieutenant Lalle mand dut mettre ses hommes en bataille, leur re commandant de. tirer, en l'air. Après trois roule ments de tambour, les grévistes ne s'étant pas retirés, la troupe fit feu, mais les balles passèrent sans toucher personne ; les grévistes prirent la fuite. ? . Deux éraflures, que l'on peut attribuer à des bal les, furent, après coup, constatées sur des arbres à un mètre soixante de hauteur. ' De nouveaux détachements arrivèrent. Ils purent parvenir jusqu'à la barricade, mais furent impuis sants A s'en emparer. Le colonel qui les comman dait, ayant voulu parlementer avec les grévistes, fut assailli à coups.de pierres. La troupe dut en core faire usage de ses armes et tirer en l'air. Les grévistes ne s'intimidèrent pas et restèrent eur place.; une femme perchée sur la barricade agi tait un drapeau rouge. Au cours de cette affaire, un officier du génie et un gendarme ont été blessés. , A six heures, les troupes se replièrent. Lès • cuirassiers ont. chargé plusieurs fois sous une grêle de pierres. Un officier et plusieurs sol dats ont été atteints ; on dit que cet officier est sérieusement blessé à la figure. A sept heures, les troupes qui-s'étaient retirées revinrent avec d'autres renforts, quatre bataillons environ, sous les ordres du générai Couturier. Une ambulance suivait. Le général a pris ses dispositions, divisé ses troupes et fait contourner la position par plusieurs détachements. Devant cette tactique, les grévistes semblent se retirer dans Liévin. ; La nuit venue, ils ont allumé les colonnes des becs de gaz brisés qui forment d'immenses torches. ' Grâce à sa tactique habile tendant à" envelopper, au moyen de petits détachements, la position occu pée par les grévistes, le général Couturier a pu les refouler sans tirer un coup de fusil. . A 9 h. 1/2, il était maître de Liévin, qu'il tra versait avec ses troupes ; les grévistes étaient rentrés dans ; leurs demeures. . La marche dans liévin a été très lente, lés sol dats étant obligés de couper les innombrables fils de. fer tendus en travers des rues, d'enlever les poteaux télégraphiques et les pavés formant dès barricades. Le spectacle était le même que sur la route : partout les réverbères et les poteaux télé graphiques étaient arrachés. A dix heures, les troupes se sont arrêtées pour prendre un peu de repos ; elles vont ensuite démo lir les barricades élevées sur la voie ferrée de la Compagnie de Lens ; elles camperont probablement dans la ville. Il y a plusieurs officiers et soldats plus ou moins contusionnés. Un officier d'infanterie a été griève ment blessé à Ta tête et transporté à l'hôpital de Lens. Un capitaine du 3" génie a été très fortement contusionné par une brique, ainsi qu'un sapeur et le brigadier de la 3* légion de gendarmerie Poilbart. M. Rodière, commissaire spécial de Lens, a ins tallé à Liévin -M. Mailhe, commissaire spécial de Boulogne-sur-Mer, qui vient remplacer le titulaire gravement malade. Lens, 20 avril. — Les lignes télégraphiques et téléphoniques brisées par les émeutiers sont inter rompues-entre Lens et Liévin. Le général de Boisrouvray n'a pas quitté Lens de la journée. . , Le général Couturier, qui a pris le commande ment des troupes opérant contre Dévln, est maître de la ville à 10 h. 30 et y campe. On croit que les grévistes, fatigués par leur jour née dè lutte, vont rester calmes demain. Le calme règne maintenant à Liévin. . Lens, 21 avril. — A liévin, presque toutes les sordsre d'hier subsistent encore. Toute la nUit, des équipes, d'ouvriers ont travaillé è rétablir les communications télégraphiques et té léphoniques. Les grévistes ont arraché 42 poteaux et détruit les lignes sur plus de 3 kilomètres. Les communications ne. pourront..pas être -réta blies aujourd'hui et cependant on n'installe que des lignes sommaires. Les fils sont iposôs comme on peut sur les dé bris des potelets brisés ou reposent sur des clous plantés dans les murs. Lès ouvriens travaillent sous la protection de sol dats. La maison de M. Simon, directeur des mines de Liévin, est gardée militairement. Toutes les fenêtres sont barricadées par des planches clouées à la hâte. Les vitres qui n'ont pas été ainsi protégées sont brisées. Les volets du rezde-chaussée ont été enfoncés. De nombreuses mai sons particulières ont fait clouer des planches con tre leuins fenêtres. Les bureaux de la Compagnie de Liévin sont gar dés militairement par un fort détachement d'infan terie et de cavalerie, campé dans l'avenue qui y conduit. Les soldats ont formé les faisceaux ; une sentinelle se -promène devant. Les soldats restant rangés près de leurs armes. Le passage à niveau où une barricade importante avait été élevée hier est occupé militairement. Des patrouilles de cavalerie sillonnent la ville ; elles passent dans les groupes de grévistes qui rail lent les soldats. Lorsque l-cs troupes sont entrées hier soir dans la ville, une cartouche de dynamite a été lancée sur les soldats. Elle a éclaté derrière eux. Le capitaine Alberthus du 2° cuirassiers a été blessé sérieusement au front par une brique et a été transporté à l'hôpital de Lens. Le capitaine Hermé, du 3° génie, a été fortement contusionné à l'épaule et à la tête par des briques. Un gendarme a reçu une blessure assez grave à ia tête. Liévin est actuellement occupé par quatre batail lons d'infaniterie, quatre compagnies du 3e génie et deux escadrons de cavalerie. Le général de Lamerville a inspecté les troupes. Ce matin, il est venu se rendre compte des dis positions prises»...
À propos
Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.
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