Extrait du journal

Les personnes qui deman daient jusqu'ici, avec une insis tance malveillante, à quoi pouvait servir l'entente cordiale de la France et de l'Angleterre doivent être renseignées à présent Ces personnes appartiennent généra lement à l'école dite nationaliste, ainsi nommée parce qu'elle né reconnaît qu'à elle-même le droit de servir la patrie. L'entente cordiale entre la France et l'Angleterre tend à faire régner la paix dans le monde non seulement entre la France et l'Angleterre, ioais dans le monde. Dans leur lutte contre le Japon, les Russes sont préoccupés, entre autres sou cis, de celui d'empêcher les puissances nèutres de fournir au Japon du maté riel de guerre^ C'est pourquoi ils ont armé ce qu'ils appellent une flotte volontaire qui leur a déjà servi dans la guerre de 1877-78. -Cette flotte, composée de paquebots de commerce armés en guerre, surveille les bâtiments suspects, les visite et, au be soin, les confisque, mettant en usage ce quon appelle le droit de visite. L'Angleterre qui jadis usa beaucoup de ce droit et le revendiqua avec son énergie habituelle en pâtit aujourd'hui. Un de ses bâtiments, le Malacca, visité par un croiseur volontaire russe, a été saisi comme contenant de la contrebande de guerre. Immédiatement, le gouverne ment anglais a fait entendre de vives protestations, l'orgueil britannique s'est ému, l'opinion s'est enfiévrée.Uu incident était né. Il pouvait aller loin, car les Anglais sont excessivement jaloux pour tout ce qui touche à la suprématie maritime-. Dans l'espèce, du reste, ils avaient rai son. La cargaison suspecte du Malacca était destinée non pas aux Japonais^ mais aux Anglais eux-mêmes, ainsi qu'ils le prouvèrent. Ce gui compliquait l'aventure,c'est que des navires allemands avaient subi le même sort que le bâtiment anglais et dé jà la susceptibilité germanique faisait écho à la susceptibilité britannique Chez nous,, les patriotes qui ont déjà demandé si nous 11'allions pas aller au secours des Russes font entendre des grognements avant-coureurs d'une levée de boucliers contre l'Anglais, l'ennemi héréditaire, le vainqueur de lrafalgar et de Waterloo, car les nationalistes, ne l'oublions pas, dans leur amour pour la Patrie, rêvent de lui voir sur les bras. une de ces coalitions sous lesquelles elle a déjà succombé. C'est alors, croyons-nous, que la gou vernement français intervint. Sa' situa tion était excellente. Son .impartialité était garantie par son alliance reconnue avec la Russie et son entente cordiale avec l'Angleterre. Son désintéressement n'était pas moins avéré. Il se trouvai dans la situation d'un homme qui a deux amis sur le point d'en venir aux mains et qui profite de son influence sur tous les deux pour les pacifier. Le gouvernement français a fait com prendre à la Russie, dont le Tsar aime la paix- comme l'aimait son père, que ses marins avaient été trompés par leur zèle et le Malacca a été rendu. Et l'in cident est clos, au grand contentement des Anglais et des Russes. Sous un gouvernement monarchique, les Français qui contesteraient ce succès diplomatique passeraient pour de mau vais patriotes- Sous un gouvernement ré publicain, ceux qui reconnaissent ce suc cès passent pour des internationalistes. C'est très curieux. C'est très curieux, mais ce n'est pas grave. Car, au fond, il y a dans ce paysci un' fonds de bon sens et de justice qui te ramène invariablement vers la vérité eu la justice. Il est vrai que le gouvernement a servi la cause de là £aix. Il est juste de le reconnaîtra, & CornéLv,...