Extrait du journal
Ce jour-là, vers les sept heures da matin, Lucienne s'était réveillée en entendant aller et venir dans la grande salle voisine dé sa chambre. Elle s'était réveillée brusquement, quoique le bruit dont nous parlons fût-des plus légers. Elle s'était assise dans son lit par un mouvement convulsif, puis était demeurée immobile, les yeux fixes; puis ses deux mains s'étaient portées à son 'front; comme pour écarter les flots de sa brune chevelure -, et elle avait regardé autour d'elle dans là petite chambre que noiis connaissons, et elle avait dit d'une voix basse : —Ce n'est pas un rêve! Et alors, en même temps, ses mains étaient retombéeS%n se joignant sur ses genoux. Puis, tout d'un coup, sa tête s'était relevee avec révolte, avec défi. Elle avait sauté en bas de son lit, elle avait ouvert la fenêtre et le vo let. Le jour et l'air affluant dans la chambre, elle avait respiré longue ment à plusieurs reprises, et s'était mise à s'habiller avec un soin affecté. Puis, s'arrêtant devant son miroir, et à travers le trouble de sa pensée, voyant sur ses lèvres le sourire, sur ses joues les couleurs de la fièvre, dans ses yeux l'éclat de l'ivresse, elle s'était dit : —Je suis jeune, forte et belle... Qu'avait-on besoin de me pousser à de tels désespoirs? Je sais bien que mon premier réveil'sera toujours pénible à présent j mais je secouerai cette faiblesse, et ceux à qui je la dois ne me feront pas peur ! En même temps, elle prit au hasard un livre qui se trouva sur sa toilette, et, marchant la tête haute vers la porte, elle se disposait à entrer dans là salle commune, lorsqu'elle reconnut, à sa voix, à son pas et à son action, la personne qui marchait dans cette pièce. C'était la fermière «jui donnait ses ordres à la servante, et se préparait, comme ' d'habitude, à aller aux champs. Déjà,.la veille, Lucienne n'avait osé entrer qu'après le départ de la maîtresse. Ce jour-là, elle s'arrêta encore au moment d'ouvrir sa porte ; mais elle fronça le sourcil et se dit avec colère : -r Cette femme m'intimide encore; mai?, patience ! un jour viendra, on me l'a dit, où j'aurai ma franchise et ma royauté, où peut-être eue m'implorera pour le repos de son fils, eî où je liiï dirai : Voilà le fruit de votre insolente vertu! Et, après avoir fait quelques tours dans sa chambre : — Il faut en finir, dit-elle, et, en attendant ce jour-là, il faut la fuir... • Elle prêta de nouveau l'oreille, elle s'assura cette fois que la maî tresse venait de partir; — elle ouvrit sa porte et entra dans la salle. La servantë seule s'y trouvait,*commençant activement la journée la borieuse d'une ménagère campagnarde....
À propos
Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.
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