Extrait du journal
Le famille Didier avait conservé de nos pères la coutume de marquer par un repas chacune des trois parties du jour : elle déjeunait, elle dînait et elle soupait. M. Matthieu, de venu commensal de la maison, prétendit qu'il était de meil leur ton do manger moins souvent, et plus sain de man ger davantage à la fois. Il citait pour exemple son estomac, qui n'avait jamais pu s'accommoder du régime des trois repas. La chose ainsi posée, les estomacs de la famille Di dier ne pouvaient se dispenser de prendre règle sur celui de M. Matthieu; on recula les heures de se mettre à table, et le souper fut supprimé. M. etMme Didier buvaient du vin de Bourgogne; M. Matthieu aimait le vin de Bordeaux ; et le vin de Bordeaux, sous prétexte qu'il était plus fortifiant, ne tarda pas à prendre la place du vin de Bourgogne. Insensiblement la cuisinière Marthe en vint à ne se point permettre d'allumer ses fourneaux avant que M. Mat thieu eût dressé lui-même le menu du repas. . L'odeur du charbon de terre offensait les nerfs olfactifs de M. Matthieu ; on ne brûla plus que du bois chez M. Didier. M. Matthieu, qui avait l'habitude de se lever tard, trou vait un grand plaisir k prolonger ses soirées; il fit, sur l'usage de se coucher comme les poule», de si piquantes railleries, que M. et Mme Didier n osèrent plus se mottre. au lit avant une heure du matin. — Monsieur Matthieu, je me suis décidée pour une robe de satin. , — Etoffe roide et qu'on drape difficilement avec grâce. — Vous croyez 1 —J'aurais préféré une robe de taffetas. — Quant à la nuance, il me semble que le noir..» — Eh!ehl —J.e noir vous déplaît? — Je suis certain que la couleur feuille-morte vous irait à ravir. Et voilà Mme Didier condamnée de par M. Matthieu à porter une robe de taffetas feuille-morte au lieu de la robe de satin noir, sur laquelle s'étaient portées ses vues. . M. Didier avait répudié lo chapeau de soie et les bottes depuis le jour où il avait entendu M. Matthieu faire le pa négyrique du feutre gris et du soulier napolitain. La famille Didier occupait une ravissante petite maison dans la rue de l'Ouest, près de l'Observatoire. M. Matthieu tenait beaucoup à son appartement de la rue de Rivoli, d'où son regard embrassait le rideau de verdure qui s'é tend du palais des Tuileries aux Champs-Elysées. De la rue do l'Ouest à la rue de Rivoli, le chemin, à minuit, est long, triste, désert. Il fallait renoncer au plaisir de passer toutes les soirées ensemble, ou aviser au moyen de rendre les. communications plus faciles. — Quel quartier que celui de l'Observatoire ! Des rues mornes, silencieuses; point de boutiques ouvertes à dix heures du soir; une véritable physionomie de villo de province ; en un mot, le Marais de "ia rive gaucho. Pour, habiter ce pays perdu, il faut être bien astronome ! Que répondre à de pareilles faisons ? Prouver, en dé ménageant, qu'on n'èst pas astronome. C'est ce que fit la famille Didiw,...
À propos
Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.
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