Extrait du journal

Un ministre,un très aimable ministre,un ministre éphémère,avait accepté de présider un dîner. On s’était mis d’accord sur la date lui agréant le mieux. Survint une tourmente qui souffla non sur la table du festin, mais sur le banc du gouvernement. La réunion eut lieu au jour fixé. Personne ne manqua à la fête, personne, pas même le ministre, c’est-à-dire l’ancien ministre, qui mit une pointe de coquetterie à no se point faire attendre. O11 ne Veut, d'ailleurs, attendu que par courtoisie, car il n’était plus qu’un invité, un invité,valant par le prestige de ses qualités personnelles, à défaut de l’éclat enfui de ses prérogatives officielles. Il parut donc,sou riant et charmant, peutêtre allégé à cette idée qu'on ne glisserait pas dans sa poche une note rappelant les titres exceptionnels d’un candidat à la Légion d'Honneur. Bien que par sa désinvolture et son esprit, il eût conquis les assistants, certains d’entre eux, pris de court, se demandèrent s’il ne serait pas convenable de faire allusion à l’« incident » politique qui s’était produit. Le titre de « ministre » ne devait pas être exclu do la conversation. Seulement, il sembla bon de le prononcer avec moins d'emphase. Au lieu du « monsieur le ministre », empesé dans sa solennité cérémonieuse, on entendit fuser des « bonsoir, mon cher ministre » qui n’étaient pas plus cavaliers, mais, à coup sur, plus familiers...