Extrait du journal

* Les Parisiens de notre temps qui me paraissent, entre tous, dignes d’admiration, ce sont les bijoutiers. Les bijoutiers de Paris, qu’ils exercent leur métier dans le centre ou dans les quartiers éloignés, sont des manières de héros. Jusqu’à l’armistice. ils ne couraient guère de risques. Mais depuis que la bataille, achevée, Dieu merci, sur les frontières. se prolonge dans Paris même, c’est une autre affaire. Leur vie est brillante, mais pleine de périls. Ils ne savent pas exactement quel jour ils seront tués, mais ils savent qu’ils le seront. Ils sc sacrifient, tout compte fait, à l’élégance des Parisiennes et à l’éclat du monde. Chaque fois qu'un client entre dans leurs beaux magasins, où jouent, comme dans la grotte de Capri. les rayons et les reflets, ils ne peuvent que se dire tout bas : « C’est peut-être pour autourd'hui... » Et, loin de crier : « Haut les mains ! ». ils accueillent le nouveau chaland, par profession, avec le sourire sur les lèvres. L'idée ne leur est jamais venue de revêtir une cotte de mailles ; ils restent très simples. en veston, et d’une affabilité à toute épreuve....