Extrait du journal

le dernier mot, quels que soient les brillants mensonges accumulés contre lui. Cette remarque peut s’appliquer à bien des choses !... Je me bornerai à !a relier à l'état de la musique en France aux derniers jours de ce siècle qui s’achève. Combien de musiciens, semblables à ces tisserands et à ces tailleurs du conte d’An dersen, promettent au Roi — le public —des étoffes incomparables et de mirifiques habits ! Combien, pleins de talent cenpendant, ont inconsidérément jeté par dessus bord, comme défroque à reléguer aux vieilles lunes, tout ce qui, jusqu’ici, a été jugé indispensable à la confection d un habit ; et pour sortir de la parabole, à la confection d’une œuvre musi cale ! L'abus des formules — indiscutablement condamnable — a fait rejeter jusqu à toute forme. —Bon cela, pour celle de Bridoison ! Encore faudrait-il pouvoir montrer un projet d’édicule destiné à remplacer les temples qu'on voudrait renverser ! Les timbres bizarres, les accords déchi rants, les modulations pénibles ont pris à peu près la place de l’idée, de l’émotion, de l'ar chitecture nécessaires à la compréhension sans laquelle on ne peut raisonnablement exiger du public des suffrages qu’il serait trop heureux d’avoir à accorder ! Le trouble est partout : dans le public, dans la presse, chez les producteurs, chez les directeurs. La crainte d’être catalogué parmi les «badernes vieux jeu » fait que chacun surenchérit sur l’esprit avancé (!) de son voisin, et tout le procès engagé entre les bergers et le troupeau peut se renfermer en ces quelques mots : Je comprends ; donc, je dois me méfier ! — Je ne comprends pas ; donc, je dois admirer ! Qu’on ne s’y trompe pas; ceci n'est pas un plaidoyer en faveur du passé, qui si glorieux qu’il soit, reste le passé.— Ce ne saurait être non plus un combat contre l’avenir que nul ne peut atteindre ou même sûrement prévoir. Ce n’est qu'un Coup de lorgnette sur le pré sent, sur toutes les forces que contamine le mal du snobisme, dont on peut rire d’autant plus largement qu’il est éternel et que, mal gré lui, la poussée en avant ne peut manquer d’être féconde. Il ne fait que la griser; car dans son essence imbécile il est plutôt obstructeur ! Je reprendrai la question un prochain jour avec exemples et anecdotes qui prouveront combien est attendu le cri de cet enfant : « Le roi est tout nu ! » dont le sens musical est que parmi tant d’œuvres modernes, glorifiées à qui mieux mieux, il n’y a souvent pas plus de musique que de soie sur le métier des tisseraeds d’Andersen ! Henri Maréchal....