Extrait du journal

reux : sa personnalité tient tout entière dans ce mot, qui établit l’absolue différence existant entre lui et Molière. Pour être tout à fait un écrivain comique de premier ordre, il lui manque d’avoir souffert, — souffert de cœur, j’entends. Sa verve et sa gaieté n’ont presque rien à envier à celles du maître. Enfant de Paris comme lui, né aussi sous les piliers des Halles, comme lui il rit à belles dents, de co rire dont la France a le privilège ; mais il n a connu ni la misère, ni les difficultés de la vie, ni la passion. De là, l’infériorité de cet écrivain, d’ailleurs si charmant et si séduisant, et qui sera lu et relu tant qu’il y aura des gens d’esprit et de goût. 11 est né, il a vécu riche, il a aimé les femmes, ce qui équivaut à n’en aimer auçune : le dernier sommet du génie ne se gravit pas tout à fait à si bon compte. Mais je ne veux point parler de l’auteur comique, sur lequel il serait malaisé de trouver quelque chose de nouveau à dire. Le voyageur est non moins curieux à con naître; et les récits que fait Regnard de ses excursions en Sicile et en Laponie, méri tent de fixer l’attention, dùt-on, n’y cher cher qu’une comparaison avec les ouvrages émanés des voyageurs modernes. Cette comparaison, il faut le dire, tournerait tout à fait à l’avantage de nos contempo rains. Lo journal de voyage du moindre explorateur d’aujourd’hui présente quel que chose de plus séduisant et qui parie davantage à l’imagination. Ce n’est pas que les notions intéressantes fassent défaut dans les récits de Regnard; mais tout cela est consigné froidement, vu sans enthou siasme ; et le sentiment du pittoresque lait absolument défaut à l'observateur. Il sem...