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Le Soleil, 6 juin 1886

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Le Soleil
6 juin 1886


Extrait du journal

LES SUCRES Quand la Chambre aura liai avec les lois de suspects, les expulsions et les confiscations, quand elle aura renversé le ministère et partagé ses dépouilles, elle consacrera sans doute quelques séances aux affaires du pays, par ma nière de divertissement. La première question importante qui lui sera soumise sera la question des sucres. Il s’agira de constater les effets de la loi du 20 juillet 1884, et de rechercher si certaines de ses dispositions ne doivent pas être prorogées et même étendues. Le problème est délicat, parce qu’il met en présence, comme tous les problèmes économiques, des intérêts également respectables, mais opposés : en donnant aux uns complète satisfaction, on risque de porter aux autres une atteinte dont souffrirait l'ensemble de la richesse na tionale. Or le régime des sucres est d'une importance capitale pour les plus riches de nos départements et de nos colonies, pour une branche considérable de notre industrie, et pour le Trésor. En France, la production de la bette rave est toute la fortune de sept des dé partements les plus importants ; pour une douzaine d’autres, elle est une des ressources principales. Si l’industrie suprière est florissante, les cultivateurs sont assurés pour leurs produits d’un placement rémunérateur; de plus, ils peuvent acheter dans les pays d’élevage du Midi et du centre de la France d’énorincs quantités de bestiaux qu’ils en graissent avec les résidus de la fabrica tion du sucre. Si cette industrie périclite, la culture de la betterave est ruinée; tout débouché lui est fermé, en même temps qu’aux éleveurs dont les bestiaux ne peuvent plus être mis à l’engrais. Ainsi presque toute la France agricole est intéressée au plus haut degré à ce que l'industrie sucrière soit prospère et, pour qu'elle soit prospère, à ce qu elle soit protégée. La situation est la même pour la Gua deloupe, la Martinique et la Réunion, dont la production de canne à sucre fait toute la richesse. Au contraire, les raffineurs de Paris et des ports, les sucrât iers et les distilla teurs, qui mettent en œuvre les sucres bruts ou les mélasses,ne cherchent qu’à se procurer au meilleur compte la ma tière première de leur industrie ; ils sont dune opposés à toutes les mesures de protection qui en relèvent le prix. L’intérêt du Trésor exige qu’il ne soit porté aucune atteinte à l'une de ses plus riches sources de revenus. Car l’impôt qui pèse sur le sucre a toujours été énorme; il se trouve actuellement égal à tu valeur propre du sucre raffiné, et su périeur de 40 0/0 à la valeur du sucre brut. Sur les 100 francs que coûte un quintal de sucre livré à la consomma tion, 50 francs sont prélevés par le fisc. Le but principal de la loi du 20 juil let 1884 avait été d’établir une nouvelle base de perception de la taxe ; elle im posait an Trésor un sacrifice temporaire, pour permettre à la production nationale de lutter contre la concurrence étran gère? et surtout contre la concurrence allemande; avant de l’abandonner à ses propres forces, on voulait lui donner le temps de perfectionner son outillage cl d’améliorer ses procédés de culture et de fabrication. La perte qui devait ré sulter pour le Trésor de l’application du nouveau système était évaluée à une quarantaine de millions : loin de la su bir en réalité, le fisc a recueilli un béné fice du dégrèvement effectué. Favorisée par le nouvel état de choses, l'industrie sucrière a repris un nouvel essor, et tandis que l’impôt n’avait rendu en 1888 que 117,001,000 fr., en 1881 il rendait déjà 100,71)5,000 fr. : soit une augmenta tion de 10,104,000 fr. Sans le dégrève ment, cette source de revenus eût été bien diminuée, sinon tarie. Eu même temps qu’elle donnait à l’im pôt une nouvelle assiette, la loi de 1881 complétait son œuvre de protection en établissant un droit de 7 fr. par quintal sur les sucres étrangers importés des pays et des entrepôts d’Europe. Malheu reusement, la surtaxe ne s’appliquait pas aux sucres étrangers importés des pays extra-européens : de Chine, du Brésil, d’Egypte, de Java, etc. Cette omission annula tout l’effet qu’on avait voulu produire. Arrêtée par la surtaxe, l’importation des sucres étrangers d’Eu rope diminua bien, en 1885, de 32 mil lions de kilogrammes; mais, la même année, l’importation des sucres étran gers coloniaux, que n’entravait aucune surtaxe, augmentait de 44 millions de kilogrammes. La situation n’était pas modifiée : la production française n’a vait fait que changer d’ennemi. L'agriculture réclame donc aujour d'hui que la surtaxe de 7 francs, qui n’a pas donné de résultat, soit prorogée Jeux ans; et, pour que cette fois elle produise son effet, qu’on l'étende aux sucres étrangers des pays extra-euro péens. A cette demande bien naturelle, les raffineurs opposent toutes les objections que leur inspire leur intérêt menacé. En...

À propos

Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.

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