Extrait du journal
peuvent se souvenir comme nous d’avoir lu, sur les murs, l’atïichc annonçant effective} ment à la population de Paris, « qu’elle pou» vait se rassurer, parce qu’on avait pour deux mois de vivres. » Deux mois de vivres 1 — trois mois, si l’on veut, — et c’est sur un approvisionnement de cette importance que. l’on se fondait pour dire à la population de Paris : « Rassurez-vous 1 » Un savait que la France n’avait plus d’armée, une partie ayant été détruite et capturée à Sedan, l’autre étant bloquée par l’ennemi dans Metz. On savait que, pour continuer la lutte, il fallait à tout prix refaire des armées, et l’on comp tait que ce terme de deux mois — trois mois au plus — serait suffisant pour donner à la France le temps de se lever en masse, et de reconstituer de nouvelles armées! II n’est pas un homme de bon sens qui, en lisant sur les murs l’affiche du gouvernement annon çant qu’on pouvait se rassurer, puisqu’on avait pour deux mois de vivres, ne se soit dit : « Mais si nous n’avons que pour deux mois de vivres, tout est perdu ! » Et cependant rien n’était plus facile que de faire entrer dans Paris les vivres qui lui auraient permis d’éterniser sa résistance. Du 4 au 19 septembre, date effective de l’inves tissement, il s’écoula quinze jours, pendant lesquels on aurait pu, grâce au télégraphe et aux chemins de fer, introduire dans Parîtf la plus grande partie des farines et des sa laisons qui encombraient nos ports aussi bien que les ports anglais. Un n’y songea même point. Un avait bien autre chose A faire. Un envoyait M. Glais-Bizoin apposer les scellés sur les portes du Corps législatif. Un nommait des préfets. Un so querellait sur la meilleure manière de nommer les maires. Un se préoccupait beaucoup du mé contentement de M. Flourens, qui avait donné sa démission de chef de bataillon. Un décidait, dans une première séance, « qu’une démarche serait faite auprès da lui pour l’engager à retirer sa démission. i> Dans une autre séance, on décrétait, pour lui donner satisfaction, qu’il serait nommé «tajor de rempart. Un traitait la question ro maine; on abordait la question constitution nelle; on s’occupait des méprisables intérêts du parti auquel on appartenait; mais de la question des vivres, mais do cette question suprême d’où dépendait le salut de la patrie,’ pas un mot ! Et on laissait le blocus serrer ses anneaux autour de la capitale, confiant dans cette pensée qu’il suffisait de trois mois de pain pour assurer l’existence de Paris et pour donner à la France le temps de se lever pour venir le délivrer. Paris approvisionné, comme il l’aurait pu l’être, d’une manière suffisante, par des ad ministrateurs plus intelligents ou plus pré voyants, qui sait si le sort de la guerre n’au rait pas changé? C’est sur cette question de l’approvisionnement de Paris que s’est joué en dernière analyse le sort de la campagne, après Sedan. C’est parce qu’on croyait Paria à la veille de manquer de vivres et sur le point de se rendre qu’on a engagé prématu rément les jeunes armées formées à la hâte sur la Loire. Combien la situation eût été différente si ces mêmes armées, au lieu d’al ler au devant de l’ennemi, avec le désavan tage de leur organisation imparfaite, avaient pu l’attendre dans des positions défensives soigneusement choisies et fortifiées. Mais, encore une fois, la prodigieuse incapacité des hommes du 4 Septembre n’a pas permis d’adopter le seul plan do campagne qui pût offrir quelque chance de succès. Ainsi donc la question des vivres, — le journal de M. Dréo en fait foi, — n’a été abordée qu’une seule fois, du 4 au 19 sep tembre, et encore d’une façon tout à fait épisodique. Nous ne connaissons pas de preuve plus forte de l’incapacité véritable ment grandiose des hommes du 4 Septembre. Les malheureux! ils n’avaient pas même l’intelligence du rôle qu’ils avaient si témé rairement assumé ; ils déclamaient pourtant, ils parlaient de s’ensevelir sous les ruines de l’IIÔtel-de-Ville. La suite do leur conduite nous montrera si les proclamations dans les quelles ils prêchaient la guerre à outrance étaient autre chose que des fanfaronades oratoires. LOUIS JOLY,...
À propos
Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.
En savoir plus Données de classification - buffet
- grévy
- dréo
- thiers
- sella
- gambetta
- de rémusat
- dufour
- chaper
- magnin
- paris
- france
- madrid
- barcelone
- berlin
- halifax
- neuilly
- darmstadt
- bayonne
- versailles
- l'assemblée
- la république
- république française
- vive la république
- parti progressiste
- assemblée nationale
- journal officiel
- institut
- larousse
- parlement