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Le Soleil, 10 février 1888

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Le Soleil
10 février 1888


Extrait du journal

LA POLITIQUE BISMARCK1EM Ce qui ressort nettement du dernier discours de M. de Bismarck, c’est que la politique du gouvernement allemand, depuis dix ans du moins, s'inspire de cette idée fixe : préserver le nouvel Em pire contre le danger d’une coalition franco-russe. Au yeux de M. Bismarck il n'y a que deux puissances qui peuvent menacer l'Allemagne : le voisin de l’Est et celui de l’Ouest : la Russie et la France. Le chancelier croit que l’Allemagne, si elle était entraînée dans une guerre contre la France, n’aurait pas nécessai rement affaire en môme temps à la Russie. Il semble ressortir de son dis cours que les probabilités sont que la Russie assisterait d’abord en spectatrice attentive au conflit entre les deux puis sances, quitte à intervenir au moment où elle lejugerait opportun. En d’autres termes, le jeu de la Russie serait do laisser les deux nations en présence s’é puiser dans une lutte qui mettrait en présence, sur les champs de bataille, des millions d’hommes, tandis qu'elle-môme ménagerait ses forces et réserverait ses moyens d’action. M. de Bismarck nous avertit charitablement que nous ne de vons pas faire fonds sur le concours de la Russie. En revanche, il croit que la Russie pourrait compter sur notre appui si elle attaquait l’Allemagne. Le gouvernement français ne serait peut-être pas disposé à lancer le pays dans une aussi redouta ble aventure; mais « aucun gouverne ment français ne serait en état d’empê cher la participation de la France, même s'il en avait la volonté ». Par conséquent, si le discours du 7 fé vrier exprime la véritable pensée de M. de Bismarck, l’organisation militaire de l’Allemagne et le jeu de ses alliances doivent être combinés pour cette double éventualité: ou une guerre contre la France seule, ou une guerre contre la France alliée à la Russie. Dans le premier cas, naturellement, la France aura a soutenir tout l’effort de l’Allemagne et elle aura en outre à com battre l’itçdie sur les Alpes et dans la Méditerranée. Dans le second cas, l’Allemagne, ayant à faire face des deux côtés à la fois, ne pourra utiliser contre la France qu’une partie de ses forces. Mais il ne faut pas perdre de vue que la Russie ne peut opérer sa mobilisation que lentement et que, par conséquent, l'Allemagne pour rait, au moins dans les premières se maines de la guerre, s’inquiéter peu de la Russie et porter la majeure partie de scs forces à l’ouest pour nous accabler d’abord de tout son poids. Enfin si une guerre de la France et la Russie alliées contre l’Allemagne tour nait à l’avantage de celle-ci, il est très probable que c’est à nos dépens que se ferait ensuite la paix. Par conséquent nous risquerions un enjeu bien plus gros que celui de la Russie. La Russie se battrait pour avoir la prépondérance en Europe. La victoire la mettrait au premier rang. La défaite ne diminuerait guère sa situation. Elle n’a pas à craindre une invasion. Son immensité la protège. Dans cette grosse partie, la Russie joue rait sur le velours. Nous, c’est pour notre existence même que nous nous battrions. La défaite, ce serait l’écrasement, ce serait la fin. Aussi nous semble-t-il que dans une entente entre la Russie et la France, c’est surtout la France qui aurait des garan ties à prendre. M. de Bismarck sait d’ailleurs qu'une alliance entre la Russie et la France ne se fera, si jamais elle se fait, que par la force des choses, sous le coup d’événe ments que nul, actuellement, ne peut prévoir. Mais, en homme qui ne veut rien laisser au hasard, il ne néglige au cune précaution pour que l’Allemagne soit suffisamment armée pour résister avec succès au choc de ces deux nattons militaires. Il est en mesure « de poster un million de bons soldats allemands à...

À propos

Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.

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