Extrait du journal
Voici de nouveau le 14 juillet et, cette année encore, rien ne fait prévoir qu'on démolira pour de bon la Bastille. C’est l'aulant plus fâcheux que le procès de Versailles fournissait une belle occasion. Les condamnations à l’amende et à la prison, prononcées contre les honnêtes gens que les policiers avaient assommés sans prétexte et sans sommations léga les, illuminent mieux que tous les lam pions officiels la fête de la République. Dans la noble défense qu’il a présentée pour l’abbé Caron, supérieur du petit séminaire do Versailles, maintenant pourvu d’un casier judiciaire, M°de SuintAuban a cité ce passage d’un journal de novembre 1849 : Hier a eu lieu, par le plus beau temps du monde, la réception solennelle de M. Pie, le nouvel évêque de Poitiers. Des ares de triomphe étaient dressés à divers endroits de la route que devait suivre le cortège. Les personnes qui, depuis plusieurs jours, avaient l’intention de rendre cet hommage extérieur à leur nouveau pontife, ont craint, dit-on, un instant, que sous ii Hcpubligue il ne leur fût pas permis de se livrer à ers manifestations ; elles ont pu se con vaincre que la République est, avant tout, et plus que tout autre, un régime de liberté-, tout ce que veut la République, c'est la liberté pour tout le monde, à l’état de droit commun. .Qu’on ne l'oublie pas. La troisième République n’a rien de commun avec la seconde ; et les « jeunes Machiavel s fatigués » sont aussi loin des « vieilles barbes » en matière de liberté qu’eu l'ait de désintéressement. Les assommés de Versailles criaient : Vire la liberté ! dont le nom figure ironi quement sur tous les murs ; ils criaient : Vire Jésus ! dont le vicaire fait les élections républicaines. Sans avis préalable, sans roulement de tambour, sans aucune des précautions que la loi impose à la bruta lité policière, les agents se sont rués sur celle foule inofi'cnsive ; ils ont meurtri les femmes, piétiné les enfants. Les té moins les plus dignes de foi l’attestent : des généraux, des fonctionnaires même. Ht les magistrats, du haut de leur siège, condamnent les victimes. Sur toute la face de la terre, depuis que Belianzin ne règne plus au Daho mey, on ne voit ces choses-là qu’en pays français. Il y a quelques semaines, un ministre des Ktats-Unis, de passage en France, exprimait tout haut la surprise et le dédain qu’il avait éprouvés, en dé couvrant comme on comprend la liberté chez nous. A Versailles, un Anglais qui assistait à l’exécution des femmes et des enfants catholiques déclarait : Si la police faisait de telles choses en Angle terre. aucun de ccs hommes ne rentrerait vi vant chez lui. En France, non seulement ils rentrent vivants, mais ils sont félicités ; leurs vic times payent l’amende, vont en prison. Et la partie du public qui n’a pas été as sommée cette fois-là, non seulement ne s'indigne pas, mais se réjouit fort de t’aventure. Voilà ce qu’il faut noter ; voilà ce qui provoque le juste mépris de l’Anglais de Versailles. On ne fera jamais un grief à des gens de police de se conduire comme des sauvages ; ils sont ce qu’ils sont ; ils sont de la police. Tout au plus pourraiton reprocher à des magistrats de sanc tionner la plus odieuse violation d’une toi tutélaire, de prendre parti pour les assommeurs contre les assommés; eux iussi font leur métier. Il n’y a de vrai...
À propos
Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.
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