Extrait du journal
A force d’insister, peut-on espérer arriver à détourner du jeu des courses des jeunes gens qui s’y ruinent, y perdent tout, l’argent, — sou vent celui des autres, — l’honneur et le reste? C'est douteux : que peuvent de bons conseils, quand l’exemple lui même, et tant de fois répé té, ne sert de rien? Il n’y a plus de semaine, pour ainsi dire, sans son cadavre. L’alcoolisme, à l’endroit duquel on mène une campagne si légitime, est une maladie inexora ble, à moins d’être soignée dans des conditions spéciales qui n’existent pas, ou très peu, en France ; elle tient sa victime et l’enlace de telle manière qu’il lui est impossible de se dégager. De sorte que l’alcoolique a pour lui l’excuse — peu valable, je m’empresse de le reconnaître, — de l’impuissance parfaite contre le mal qui le mine et bientôt le tue. En effet, arrivé à un cer tain degré d’intoxication, l’alcoolique n’est plus son maître; il est impuissant contre lui-même, et il n’y a pas de raisonnement qui tienne contre sa maladie. Le joueur, lui, raisonne, mais ne capitule ja mais, et il arrive à la conscience de sa parfaite indignité quand il est au bout de son rouleau, ou bien au bout de ses indélicatesses suc cessives. La perte d’argent, les faux calculs, les spéculations ineptes, tout ce qui constitue, en un mot, le bagage du joueur, rien ne l’instruit, et par conséquent rien ne le corrige. Et au bout de cela, deux solutions unique ment, pas une de plus: la police correctionnelle ou le suicide, celui-ci par crainte de celie-làl Les proportions en sont effrayantes. C’est parmi tant d’autres une manifestation de décadence indéniable; mais tout ce que nous en écrivons ou rien c'est exactement la même chose. Nous ressemblons tous, tant que nous som mes, les moralistes désolés de tout ce qui se passe sous nos yeux, à des orateurs qui parle raient sous un immense globe de machine pneumatique : il n’en vient rien aux oreilles. Et mieux que cela, si quelques-uns, dans la quan tité, veulent bien nous entendre et nous lire, ils haussent les épaules et nous prennent en pitié. Notre montre n’est plus à l'heure, et nous sommes autant de fâcheux, ne comprenant rien aux splendeurs de la vie nouvelle ! Conclusion : une augmentation de clientèle pour la Morgue et pour la police correctionnelle. Et c’est tout ; et si des lignes du genre de celles-ci tombent sous les yeux de tant de jeunes gens que le suicide ou la justice guette et menace, ils se contente ront de nous prendre en pitié, et diront : imbé cile ! quelques heures avant de s’allonger rigi des sur les dalles funèbres, ou d’être interrogés par le juge d’instruction....
À propos
Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.
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