Extrait du journal

ÉLECTEURS ET ÉLUS S Le Président flotte, les députés se dispersent, les Parisiens vont respirer l’air des champs ou se plonger dans les flots de l'Océan. Amu sez-vous bien et n’ayez pas le souci de songer aux tristesses du retour et aux réalités de demain. Pourquoi vous tourmenter ? Parce qu’il manque quelques milliards à la caisse de l’Etat ? La belle affaire ! Le contribuable n’est-il pas là et le fisc ne sait-il pas ou sont ses poches ? Ce contribuable n’est-il pas électeur et, en mai dernier, n’a-t-il pas couvert de ses bulletins toutes les fautes commises et élu les députés qui gèrent à son gré ses intérêts ? Bien fol est qui se plaint, si son bien est dilapidé et malgré conseils et avis a choisi pour le représenter des incapa bles ou des indignes. Qu’il s’agisse de finances, "d’armée, de fortune publique, de défense natio-* nale, il est quelque peu injuste et ridi cule de se fâcher et se lamenter de la mauvaise gestion des ministres et dé putés que l’on s’entête à choisir pour mandataires. Il faut cependant être logique et, puisque que l’électeur estime que ses choix sont excellents, il doit savoir souffrir sans se plaindre et se laisser écorcher sans crier. On lui avait dit avant le vote ïï Pre nez garde ! », et s’il ne s’est pas gardé, ce n’est pas faute d’avoir été averti. Dès lors, que signifient œs fâcheries, que valent oes lamentations. Le vrai cotvpable, c'est lui : contribuable, patriote, électeur. S’il a choisi des loups pour sur veiller ses moutons, n’est-il pas naturel que les loups voraces fassent leur mé tier de loups et mangent les moutons gras et dodus ’? Pauvres moutons, ils s’en vont bêlants et saignants. Le mauvais berger les a si bien tondus et écorchés qu'ils n’ont plus que la peau et les os. C’est pitoyable de les voir et de les entendre. Ils tournent des yeux éplorés vers leurs gardiens et ceux-ci, féroces et goguenards, continuent à tondre et à écorcher. Pauvres contribuables ! Pauvres élec teurs ! Vous chantiez autour des urnes, pleurez maintenant devant les guichets du fisc et payez. Pendant oes vacances, électeurs et élus vont se retrouver face à face. L’électeur déçu et tondu aura peut-être la curio sité d’interroger son élu. Il risque fort de n’obtenir ni une explication, ni une excuse. L’élu détient son mandat pour quatre ans ; il a bien le temps de cher cher par quels nouveaux mensonges et nouvelles surenchères il trompera encore son électeur et obtiendra son suffrage. En attendant, il a les profits et en jouit, et se moque bien des plaintes de ce contribuable qui fut si naïf de l’élire et sera sans doute assez sot pour le réé lire. — Charles Dupuy....