Extrait du journal

AGENT DE LA SÛRETÉ Il est de bon goût de traiter assez mal les agents de la sûreté qui nous protègent — et sont seuls à nous protéger — contre les milliers et milliers de bandits de plus en plus les maîtres de Paris. Dans une dou zaine d’années tout au plus, on verra, en dépit de tous les congrès pénitentiaires, combien il sera difficile, sinon impossible, de lutter contre l’armée croissante des réci divistes. Malgré cela, les agents de la sûreté, en nombre infime comparativement à l’armée crapuleuse, sont presque toujours maltrai tés, en paroles et en écrits. Policiers ! Et tout est dit. Et ça n’empêche pas que, sans ces policiers-là, personne ne dormirait tranquille à Paris. Des policiers, il en faut, et s’il est permis de déplorer quelque chose, c’est leur trop petit nombre. Bientôt, malgré leur courage et leur dévouement de tous les jours, ils ne seront plus de force; ils seront débordés. En voilà un, cependant, un de la bande policière, qui vient de se distinguer d’une façon assez remarquable, comme on a pu le lire hier dans nos faits divers. Au péril de sa vie, même en transgressant sa con signe, il s’élance d’un bateau-mouche pour tenter de sauver un passager qui vient de se jeter à l’eau et qu’il parvient à saisir. Un hasard l’empêche d’accomplir le sauvetage et ce n’est pas sans peine que l’on réussit à le hisser lui-même à bord. Cet agent de la sûreté, qui s’appelle Capiaumont, a été vivement félicité par les passagers, et ce n’était que justice. En com pulsant son dossier, il serait probablement facile de trouver qu’il exposa souvent sa vie dans des bagarres, pour la plus grande sécurité des habitants de Paris. Mais, c’est un policier, et ça ne compte pas. Si ces gens-là étaient couverts d’or, en retour de la pénible et dangereuse besogne qu’ils accomplissent,on dirait: c’est la pas sion de l’argent qui les guide! Mais comme l’administration à laquelle ils appartiennent leur octroie tout juste de quoi vivre assez piètrement, il est à peu près inutile d’insis ter là-dessus. N’oublions pas, cependant, que, sans eux, nous serions à la merci complète des ban dits de plus en plus nombreux, qu’ils sont" seuls à observer et à tenir en haleine; et que quelques centaines seulement de ces agents, adroits autant que courageux, nous défendent contre la pègre envahissante des assassins, des rôdeurs, des souteneurs et des voleurs....