Extrait du journal

les ficelles des marionnettes qui s’agiteot sur les planches ? Arton était poète et très précisément un poète du groupe parnassien par le sens le plus exquis, le plus subtil des beaux mots. Dans le langage secret qu’il avait adopté pour sa correspondance avec son avocat, il donnait au gouverne ment le nom délicieux d’Eolian. Le mort, c’était le baron de Reinach et le mot catacomb signifiait Panama ! Théo dore de Banville et Balzac auraient salué dans ce juif imaginatif et spirituel un confrère. Et ce qui déroute, c’est la mort de ce héros ! On a peine à croire qu’il ait avalé une fiole de cyanure de potassium pour quelques milliers de francs perdus à la Bourse, cet homme qui a joué avec des millions et qui avait fini par devenir si familier avec la justice 1 11 avait refait sa vie, retrouvé sa famille, reconquis des amis. A la Bourse, on le saluait chapeau bas... On espère pour cette grande mé moire que le juge d’instruction auquel est confié le soin de préciser les circons tances qui entourèrent ce trépas décou vrira une belle histoire dramatique qui couronnera dignement cette carrière épi que. Si M. Nouvion ne trouve que de plates vraisemblances ou si, comme il est arrivé pour la mort du baron Jacques de Reinach, on nous cache la vérité, nous serons déçus. Nous ne voudrions pas que ce ruffian se soit retiré de notre société pour de médiocres embarras d’argent. Cela serait indigne de lui. Il n’aurait pas pris une idée juste du ro man de sa vie et du dénouement qui lui convenait. Espérons..» Mais qui est encore capable de s’in téresser à Arton ? C’est déjà une figure du passé. Comme le Panama, pourtant si voisin de nous, nous apparaît loin tain ! C’est le sort commun des grands scandales financiers. Ils bouleversent profondément l’opinion publique pendant quelques jours parce que, de près ou de loin, tout le monde est atteint dans sa bourse, dans ses affaires. Mais le silence et l’oubli se font vite. Affaire d’argent, comme on dit, n’est jamais irréparable. Jean THARAIJO....