Extrait du journal

Illusions du public Dans le public, on espérait toujours. Le bruit avait couru, depuis deux semaines, que le manifeste, si impatiemment attendu, paraîtrait le 6/19 décembre, jour de la SaintNicolas et fêle de l’Empereur. Aussi, lundi matin, le public s’arrachait-il les journaux. Ils étaient muets. La stupeur fut d’autant plus grande qu'on avait espéré monts "et merveilles. Au lieu de ce qu’attendait naïve ment le public, c’cst-à-dirc la proclamation d'une constitution libérale, le régime repré sentatif, et la convocation d’une assemblée nationale qui terminerait immédiatement la guerre, on vit paraître, à quelques heures de distance, un nouvel appel de 250,000 ré servistes pour la Mandchourie. La déception a été cruelle. Tous les visa ges paraissaient attristés. Les hommes les plus graves étaient les plus soucieux. Seuls les partisans du nihilisme laissaient éclater leur satisfaction. Ils comprenaient fort bien ce que nous comprenons tous, c’est que nous marchons maintenant vers quelque catas trophe. Situation grave En vain les gouverneurs des provinces et, en particulier, les chefs de la police, ont-ils reçu l’ordre de redoubler de vigilance et, au besoin, de rigueur. En vain, le bruit s’esl-il répandu que tout l’Empire allait être mis en état de siège (ce qu’on appelle ici la « pro tection renforcée »). Rien ne peut arrêter le torrent libéral, d’autant plus impétueux qu’on cherche à le refouler. Notre peuple est idéaliste et rêveur. Il manque totalement d’expérience politique. Les malheurs de la France ne lui ont pas servi de leçon. Nos libéraux croient bonnement que l'établisse ment du régime parlementaire en Russie amènera, pour nous et pour le monde entier, une ère nouvelle de prospérité sans bornes. Il est trop clair qu’ils se trompent ; mais comment dissiper d’aussi tenaces illusions 9 Manifestations extraordinaires Et les manifestations redoublent, de plus en plus pressantes, et toujours identiques : u II nous faut une constitution libérale 1 ï>...