Extrait du journal

Je dois dire que la sollicitude de mes parents contribua pour une large part à ce bizarre état d’énervement. On avait pris soin de stimuler mon courage dès l’instant ou nous nous assîmes à table, en me versant généreusement le champagne. Un vieil oncle, entre deux tamponnements contre son puissant estomac, m’avait même coulé à l’oreille : « De l’énergie, sacrebleu 1 C’est le moment de se montrer un homme ! » Dans ma famille, je passais non sans raison, pour manquer de décision. 11 arriva tout le contraire de ce qu’on attendait de moi : la gaieté générale me retomba en noir sur le cœur ; je me rappelai qu en une autre circonstance, à un repas de funérailles qui avait suivi la mort de mon père, dans la grande solitude vide de la maison, on m’avait fait boire aussi pour étourdir ma douleur. C’étaient les mêmes visages autour de moi : comme alors, on avait 1 air d’expédier le plus joyeusement possible une corvée pénible....