Extrait du journal
L'Assemblée a commencé hier, mais n'a pas terminé, hélas! la discussion sur les marchés de Lyon. Un seul discours, celui de M. Challemel-Lacour, préfet du Rhône après le 4 septembre, a tenu toute la séance. Au point de vue de l'éloquence, l'effet de ce discours a été très grand, comme on en peut juger par la lettre de notre correspondant de Versailles. L'orateur, qui avait été vivement pris à partie par les rapports des commissions d'enquête, s'est défendu avec hardiesse- et bonheur, et il a pu justement se prévaloir de ce que l'attaque de ses adversaires avait eu à la fois d'étroit et d'excessif. Le tort des commissaires de l'entête a été de'se placer à un ^pouiUle viie absolu et de ne tenir au,oun compte des circonstances. Ils ont procédé comme si la situation avait été entière. A lire leurs rapports, on serait tenté de croire qu'un gouvernement solidement établi a été renversé par surprise du jour au lendemain par des aventuriers qui se seraient mis à sa place, et qui auraient ensuite fait le mal pour le mal avec une parfaite liberté d'esprit. La réalité a été bien différelite, et la force de la vérité est telle qu'elle s'impose même à ceux qui voudraient ensuite la méconnaître. C'est ainsi que M. de Sugny dit très bien, presque au début de son rapport « Depuis les défaites de Wissembourg, » de Reichshoffen et de Forbach, l'em» pereur était moralement détrôné. L'é> croulement fut total le 4 septembre, et » il serait souverainement injuste d'en » rendre responsables d'autres que ceux »qui, sans préparatifs suffisants, ont » déclaré une guerre à jamais néfaste » et qui, perdant tout sang-froid dès les » premiers revers, ont, par des procla» mations affolées, jeté dans un désarroi »moral absolu le pays- qu'ils avaient » bercé d'abord de vaines espérances.. » C'est cet écroulement fatal, c'est ce désarroi moral absolu qu'on ne devrait jamais oublier quand on parle de la révolution du 4 septembre, de ses actes et de ses conséquences. Quand un gouvernement s'effondre de cette manière, dans de telles circonstances et pendant les progrès d'une invasion qui affole lesesprits, les conditions ne sont pas normales, et la reconstitution de l'ordre est difficile, presque impossible. Les éléments pervers contenus, mais non supprimés ni transformés par le précédent gouvernement, viennent à la surface, et ne peuvent pas être immédiatement refrénés. Une autorité, même d'intention énergique, peut être amenée à tolérer bien des choses. On ne peut pas non plus, pour en revenir à la question spéciale des marchés, appliquer aux transactions conclues dans ces circonstances exceptionnelles les règles ordinaires des temps réguliers. On ne doit pas, en, d'autres termes, juger les marchés du 4 septembre avec la même sévérité que les marchés de l'empire, qui aurait dû n'avoir pas besoin d'en conclure. Quand la nécessité presse, on prend de toutes mains. C'est là ce que la commission d'enquête n'a pas assez considéré. Au point de vue absolu où elle s'est placée, sauf peut-être quelques erreurs de détail, elle a facilement -et complètement raison mais 'elle eût été plus équitable en tenant un meilleur compte du point de vue relatif. On ne peut d'ailleurs s'empêcher de se demander quel peut être l'avantage de ces débats tardifs, où la justice est forcément éclipsée par les passions de parti. Comme le dit ce matin le Journal des Débats, les partis seront plus divisés qu'auparavant, plus animés les uns contre les autres des sentiments haineux et violents. Ce qu'il faut à la France, c'est l'union mais ce ne sont pas des débats aussi passionnés qu'inutiles qui nous procureront ce bien nécessaire. La séance d'hier nous a révélé un orateur, mais nous la trouverions bien meilleure si elle nous avait procuré un peu d'apaisement....
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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