Extrait du journal
sera la nuit dans l’hôtel, conjugalement. Tou jours l’imitation anticipée du maître : Napoléon n'attendra pas la cérémonie de Notre-Dame pour s’installer à Compiègne avec la passive Marie-Louise. Sylvie, elle, se récrie. Elle essaye de résister, voire d’opposer au soldat de fortune ses im pertinences d’ancien régime. Mais elle connaît mal cette espèce d’hommes. Le maréchal déclare: — Puisque vous faites des façons, nous par tons tout de suite. — Mais l’impératrice m’attend 1 — L’impératrice, je m’en moque I Et il enlève Sylvie, qui fait mine de rester, avec un geste qui ressemble beaucoup à une gifle. Tremblante, matée et ravie, Sylvie suit le maréchal. Sauf quelque insistance et quelque lourdeur dans la conversation de Sylvie avec Henri re trouvé, tout cet acte est charmant et conduit d’une main fort sûre. C’est que, dès l’arrivée du maréchal, nous sortons du pastiche et de l’outrance pour rentrer dans la vérité. Si l’a venture de Versailles et celle de Beauvoisin ne sont admissibles qu’avec une Sylvie, c’est-à-dire une curieuse fort exceptionnelle, la conversa tion du maréchal avec la marquise est de toute vraisemblance et l’empire a dû voir nombre de scènes à peu près semblables. Les deux pre miers actes avaient causé un mélange de plaisir et de malaise; la plus grande partie de celui-ci a été un ravissement et de longs applaudisse ments l’ont salué. Le dernier nous conduit à Venise, au moment du carnaval. Encore un décor charmant : dans une salle de palais transformé en hôtellerie, les masques se livrent aux gaietés d’usage, au son d’une jolie musique de scène — auteur M. Ed mond Laurens — et, par les fenêtres ouvertes, on aperçoit le grand canal étincelant de lumiè res, plein de chants, sillonné de gondoles. Vous connaissez la scène fameuse de Candide où le héros du roman et son ami Martin soupent avec six étrangers qui sont venus passer le carnaval à Venise, et qui se trouvent être six rois détrônés. Elle n’est pas sans analogie avec le dernier acte de Sylvie. Le maréchal et sa fem me, en voyage de noces, soupent de même, non pas avec six, mais avec deux inconnus, qui sont aussi des rois détrônés, car ce sont les deux premiers maris de Sylvie : le marquis de Beauvoisin, qui promène hors de France ses goûts persistants déplaisir, et Gagnon, le bien-nommé, qui est en train de faire une énorme fortune, comme fournisseur aux armées et, entre deux affaires, prend un peu de bon temps. Malheureusement, il s’en faut que la scène de Sylvie offre l’agrément et surtout la philoso phie que l’on trouve dans celle de Candide. Tout cet acte, le moins bon des quatre, est d’une fan taisie laborieuse et gauche. Sylvie intrigue ses deux anciens maris, l’im après l’autre. Pour faciliter la scène, tandis qu’elle cause avec Beauvoisin, le maréchal re garde à ia fenêtre et Gagnon se tient poliment à l’écart, debout devant sa table, comme un valej qui attend l’ordre de desservir. Quand, c’est fini avec Beauvoisin, celui-ci va rejoindre le üiaré-...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
En savoir plus Données de classification - gagnon
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