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Le Temps, 4 août 1885

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Le Temps
4 août 1885


Extrait du journal

sident du conseil municipal a pris place entre M. Spuller et M. Anatole de La Forge. La salle offrait un coup d’œil extrêmement pitto-, resque, avec ses tribunes regorgeant de spectateurs auxquels étaient mêlées un grand nombre de da mes vêtues de toilettes claires et combattant la chaleur à coups d’éventail. Aux tentures de velours rouge, dont nous avons donné la description hier, étaient suspendus des trophées de drapeaux trico lores avec des écussons aux initiales : R. F. Sur le côté droit de l’estrade, dans le ramage des cou leurs des robes des professeurs, se tenait un groupe de maçons, vêtus de leur blousé de travail et at tendant le scellement de la pierre. Sitôt le ministre arrivé, M. Gréard, vice-recteur de l’Académie, a prononcé un discours fréquemment interrompu par les applaudissements. M. Gréard, après avoir rappelé les origines de la Sorbonne et dit que son histoire était intimement liée à celle de l’esprit français, a remercié la République, dans la per sonne du ministre de l’instruction publique, des sa crifices faits pour l’enseignement en France. 11 est convaincu que la Sorbonne reconstruite sera, comme sa devancière, un asile pour la libre critique, l’étu3cdelaphilosophie,laculture idéale, toutes choses que la démocratie ne saurait abandonner sans dé choir. Il a vanté aussi les bienfaits de l’éducation scientifique et rappelé ce mot d’un professeur de dessin : « La science est la probité du talent. » Il a terminé en constatant que la vie scolaire n’a ja mais été plus active, ce qui est rassurant pour l'a venir intellectuel et moral de la France. M. Goblet, ministre de l'instruction publique, a répondu par le discours suivant : Discours de M. René Goblet, ministre de l’instruction publique Messieurs, Une double solennité, dont le lien ne saurait vous .échapper, nous réunit dans cette enceinte. En même temps que, suivant un usage qui remonte à plus d’un siècle, nous y distribuerons les récom penses méritées par les jeunes lauréats de nos grands établissements d’instruction publique, nous allons aussi sceller la première pierre de l’édifice destiné à abriter dans 1 avenir le haut enseignement des lettres et des sciences, et assurer ainsi la conti nuité et le progrès des fortes études qui font l’hon neur de notre pays. - Le gouvernement républicain reprend, en ce jour, pour la mener à fin, une œuvre depuis long temps jugée nécessaire et qu’avaient dû laisser dans l'abandon les gouvernements qui l’ont pré cédé. Dès 1845, la monarchie de Juillet avait projeté de réédifier la Sorbonne. Dix ans plus tara, le 14 août, sous la présidence du ministre de l'instruc tion publique, et à l’occasion, comme aujourd’hui, de la distribution des prix du concours général, le second empire posait solennellement la première pierre des nouvelles fondations. Trente années se sont écoulées depuis cette épo que. La pierre de 1855 attend toujours, mais le temps et les événements auront profité à ce grand projet. Grâce à la libéralité du Parlement et du conseil municipal de Paris, associés dans cette œuvre de haute utilité publique, nous allons dis poser d’un terrain quatre fois plus vaste que celui qui avait été primitivement prévu et de ressources qui dépasseront vingt millions! Vous le voyez, nous bâtissons aujourd’hui pour des siècles, et de même que la Sorbonne actuelle se souvient et s’honore.d’avoir été reconstruite par Richelieu, celle qui va s’élever à celte place portera dans les âges futurs le sceau de la troisième Ré publique. C’est un devoir, messieurs, en même temps u’une véritable satisfaction pour le gouvernement e remercier publiquement ici les représentants de la ville de Paris, dont les généreux sacrifices nous permettent d’accomplir cette grande entreprise. Leur concours toujours empressé pour les œuvres de l'instruction publique atteste l’intérêt de notre démocratie pour la haute culture intellectuelle de la nation. Messieurs, ce n’était pas assez d’assurer à notre enseignement supérieur de plus larges espaces, des installations plus vastes et mieux appropriées. II. nous a paru qu'il n’importait pas moins d’élar gir son horizon moral, et, tout en lui conservant les secours et l'appui indispensables de l’Etat, de lui donner aussi les moyens de se développer par la liberté. Un décret récent qu’a bien voulu signer, sur ma proposition, M. le président de la République, con sacre la personnalité civile des Facultés de l’Etat et leur confie la gestion de leurs biens et de leurs in térêts. Cette mesure n’est qu’une restitution, sans doute, mais le droit était tellement oublié qu’il semble que nous l’ayons créé à nouveau. Désormais les Facultés et les Ecoles supérieures de l’Etat, capables de recevoir et d’acquérir, de se former un patrimoine et de le gérer, trouveront dans cette indépendance nouvelle un stimulant puissant pour de nouveaux progrès. Que ne peut-on attendre d’une semblable ré forme, si, comme nous l’espérons, l’opinion publi que l’adopte et s’en empare? Il me semble voir se former à l’avenir, à Paris et dans nos principales villes, de grands établissements scientifiques, sinon autonomes, du moins affranchis de la tutelle trop étroite de l’Etat, s’administrant eux-mêmes, enri chis par les largesses des citoyens, des départe ments et des villes, et appliquant ces ressources nouvelles à la création de laboratoires, de biblio thèques, de chaires diverses suivant le vœu des fondateurs et les besoins ou les goûts particuliers de la région. Quel vaste champ ouvert aux investigations de toute espèce, non seulement sur les peuples de l’antiquité, leurs religions, leur histoire, leurs lit tératures, mais aussi sur le monde moderne, sur les langues étrangères, sur les mœurs et la civili sation de ces contrées lointaines avec lesquelles nous entrons chaque jour plus directement en rap port 1 Quel essor inattendu pour les arts, les sciences et pour ces découvertes qui transforment et renouvellent les condition"de la vie ! De telles perspectives, monsieur le recteur, nous transportent bien loin de ce passé que vous nous.rappeliez tout à l’heure, non sans une certaine com plaisance qu’explique bien naturellement le culte si respectable des successeurs pour les souvenirs laissés par les ancêtres. L’antique Sorbonne ne mé ritait peut-être pas tant d’indulgence; je parle de la vieille maison ecclésiastique restée à travers les temps fidèle à ses origines, vouée à la théologie et...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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