Extrait du journal

Martial Gastoret bondit en même temps, les cheveux hérissés, et se précipita, éperdu, vers son colonel eù criant: — Henri! Henri! ne meurs pas ! Il croyait, ce soldat, plein de foi dans son ami d’enfance, il était certain que, pour vivre, Solignac n’avait qu’à le vou loir. Mais les yeux du colonel se fermaient et Solignac perdait connaissance, déjà sans mouvement, sinon mort. — Misère ! criait Gastoret. Est-ce qu’il va passer ainsi ? Est-ce qu’on me l’a tué ? Il mit la main sur le manche du poi gnard enfoncé dans la poitrine du colonel et, pris d’une anxiété terrible, il hésita un moment à arracher ce fer, comme s’il eût dû enlever en même temps la vie de celui qu’il aimait. Ses doigts frémissaient en touchant cette arme et les tremblements convulsifs en élargissaient la plaie.. — Si je le tuais en voulant le sauver? se disait Martial dont le sang se glaçait d’angoisse. Mais non, si j’hésite, il meurt ! Cette idée que l’hésitation pouvait être fatale à Solignac, donna du courage au hussard qui, brusquement alors, pressant sur la garde, arracha le poignard, tandis qu’un flot de sang mêlé de sanie, jaillis sait de la plaie béante. Andréina, debout, les yeux secs, les lèvres cyanosées, tous les traits du visage horriblement contractés, mais s’efforçant de demeurer intrépide et calme, sembla ble à une statue, contemplait, d’un œil déjà trouble, cette scène : le soldat agenouiUé, dégrafant l’uniforme du colonel et cherchant à mettre à nu la plaie par où pouvait s’envoler la vie. La détonation du-pistolet de Solignac...