Extrait du journal
Sur quel principe repose, en effet, aujourd’hui, l’organisation de notre représentation nationale? Sur cette notion très simple et très pratique que, tous les quatre ans, le pays choisit librement ses députés et que, tous les quatre ans aussi, il a la fa culté de les changer s’ils ont cessé de lui plaire ou de le servir à sa guise. Et qu’on ho' dise point qu’il y a là une méconnaissance do la responsabilité in combant aux élus , à l’égard de leurs électeurs : à chaque élection générale, un tiers en moyenne des députés sortants s’aperçoivent fort bien du con traire, puisqu’ils sont remplacés par do nouveaux venus. M. Chauvière et ses amis voudraient mieux : ils désirent que tout candidat, en faisant sa déclaration de candidature, puisse déposer un exemplaire au thentique de son programme et que, s’il est élu, à tout moment, au cours de son mandat, tout électeur ait le droit de faire révoquer celui-ci, en alléguant les infractions aux promesses faites. Qui constatera la contradiction entre les engagements pris et les actes commis? Qui prononcera la révocation ? Le comité électoral? Une réunion publique convoquée par ses soins ? Non pas : nous l’avons vu, non sans surprise, du reste, MM. Chauvière et Vaillant ne se font aucune illusion sur l’importance réelle des co mités, et ils savent, par leur expérience propre très probablement, que les réunions publiques, ou pré tendues telles, ne valent guère mieux. Aussi, avec une confiance dans la magistrature qui est nouvelle chez eux, mais qui les honore grandement, propo sent-ils de s’on remettre de ce soin délicat... aux juges de paix. Pauvres juges de paix! Quelle triste posture .ne sera pas la leur, et combien de fois ne leur arriverat-il pas d’envier Ponce-Pilate, si pareille tâche leur échoit jamais ! Voyez-vous celui de Roubaix, par exemple, saisi d’une instance en interprétation de mandat par quelques allemanistes impénitents, et obligé de prononcer sans appel si M. Jules Guesde a, oui ou non, trahi ses engagements antérieurs au sujet de la grève générale? où celui du 15° arrondis sement de Paris exposé à décréter la déchéance de M. Alphonse Humbert, parce qu’il ne fait pas d’as sez vigoureux efforts en faveur de la création d’une mairie centrale? Sans compter que la réputation de ce malheureux magistrat souffrira autant que sa conscience .: de quelque manière qu’il se prononce en effet, on ne manquera pas de dire que, fonction naire déférent, il a voulu servir les préventions et les intérêts du ministre au pouvoir, ou de celui de demain. Si MM. Chauvière et Vaillant ont voulu prouver l’absurdité du système, ils y ont merveilleusement réussi. Que si, au contraire, leur espoir a été de con quérir quelques adhésions nouvelles à la cause du mandat impératif, nous doutons qu’ils aient atteint leur but. Le mandat politique à échéance fixe ne pourra jamais être assimilé à un contrat privé, par le fait seul qu’il implique essentiellement, de la part des électeurs, procuration générale à l’élu de gérer les intérêts du pays au mieux des possibilités du moment, en tenant compte des circonstances impré vues qui viennent à tout instant modifier la position dos problèmes à résoudre. Qu’on y préfère ie gou vernement direct, par voie d’assemblées populaires ou de plébiscites, cela peut sq soutenir, quoique nous ayons des motifs concluants pour n’en point vouloir. Mais c’est poursuivre la quadrature du cer cle que de prétendre combiner le régime représen tatif avec les idées de MM. Chauvière et Vaillant. 1 1 1 — ————— ■ ' m ■ 1 " 1 ■ ■ LA PRESSE ET LA POSTE Nous avons publié, hier, lo texte d'un article addi tionnel au budget déposé par MM. Camille Krantz, André Lebon et plusieurs de leurs collègues. Cet article a pour but d’élever de 25 grammes à 50 gram mes la limite de poids pour le transport par la poste des journaux, recueils et écrits périodiques. . On sait qu’actuellement le prix du transport est fixé à 2 centimes par exemplaire jusqu’à 25 gram mes : au-dessus de 25 grammes, on paye en plus un centime par 25 grammes ou fraction de 25 grammes. Or la plupart des journaux de Paris, pour peu qu’ils emploient un papier passable, pèsent plus de 25 grammes ; il leur faut donc supporter une taxe de 3 centimes. Non seulement cette taxe est fort lourde par ellemême, mais elle.place la presse do Paris dans une situation des plùs défavorables par rapport à la presse départementale. Celle-ci jouit, on effet, d’un régime do faveur. Dans le département où il est pu blié et dans les départements limitrophes, le jour nal de province ne paye qu’un centime jusqu’à 50 grammes et 1 centime 1/2 jusqu’à 75 grammes. Pour s’expliquer cette différence de traitement, il faut songer que la tarification remonte à l’empire. Elle devait mettre obstacle à la diffusion de la presse parisienne, traitée comme dangereuse. Quant à la presse locale, ou bien elle ne comptait guère, ou bien elle était à la discrétion du gouvernement. Est-il besoin de montrer combien les circonstan ces sont aujourd’hui modifiées? Grâce à la multipli cité et à la rapidité des communications les nouvel les sont, dans toutes les villes de province, connues aussitôt qu’à Paris. Il arrive môme — ce qui pour rait passer pour un comble — qu’on lise à Marseille ou à Bordeaux tel télégramme ou tel article de jour nal parisien avant qu’il soit lu à Paris. Car les grands organes do province ont ici des correspon dants qui prennent sur épreuves le contenu de la presse parisienne et le télégraphient ou le télépho nent sur-le-champ à leur journal. Il suffit, dès lors, que la feuille départementale tire et distribue plus tôt que le confrère de Paris pour donner à ses lec teurs la primeur d’informations ou de réflexions que ledit confrère s’est procuré à grands frais. La presse parisienne se trouve donc, on réalité, dans une position fort désavantageuse que vient encore aggraver la tarification postale. Ne serait-il pas de toute équité que l’on s’appliquât à effacer...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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