Extrait du journal
«la générosité des sentiments. Quand on l’a entendu protester contre la tendance de cer tains individus à faire dater de la Révolution Thistoire nationale; quand il a revendiqué, au nom de la République, le passé de ce pays, tout le passé, avec ses grandeurs, qui sont de taille à compenser ses misères; quand il s’est écrié : « Ne séparons pas l’an cienne France de la nouvelle, » l’auditoire a senti qu’il ne se trouvait pas en présence d’un homme de parti, d’un politicien à cour tes vues, mais bien en présence d’un homme d’Etat, capable de s’élever au-dessus des pré jugés mesquins; d’un esprit assez ouvert pour discerner la vérité, et d’un caractère assez courageux pour la dire à tout le monde, même à ses amis. Le succès a été grand et mérité. L’honorable M. Spuller ne s’est d’ailleurs pas borné, après avoir répudié la doctrine que nous venons d’indiquer, à entretenir les sociétés savantes de leurs travaux et de leurs affaires. Il a résolument abordé la phi losophie de la politique, et il a parlé en ter mes remarquables de la Révolution, de la dé mocratie et de la France. De la Révolution il a dit, après Michelet, qu’en dépit de toutes les critiques, même justes, que peut compor ter son œuvre, et à plus forte raison en dépit des injustices passionnées de ses détracteurs, elle est et demeurera comme le foyer où se garde pour nous « l’inextinguible étincelle de vie ». De la France, il n’a pas craint de dire — et il y a quelque mérite à cela, par ce temps de positivisme à outrance qu’elle ne vit pas seulement pour elle-même, mais aussi pour le reste du monde, et qu’elle est vraiment la patrie de l’idéal. L’un de nos confrères le rappelait bien justement l’autre jour : nul peuple ne peut, à cet égard, sa comparer à nous. Les Anglais font-ils une Révolution ? C’est pour proclamer les droits des Anglais. En faisons-nous une à notre tour? C’est pour proclamer les droits de l’homme et du citoyen. Certes, il est aisé de montrer que ce tour d’esprit abstrait et phi losophique, que cette aspiration humanitaire ont des inconvénients ; et souvent déjà on a établi le bilan de ce qu’ils nous ont coûté. Qu’importe? l’honneur subsiste, et dans l’histoire une place incomparable. Notre partage n’est pas le pire. Quant à la démocratie, M. Spuller lui a fait entendre un langage auquel on ne l’a pas habituée, mais qui lui sera singulière ment salutaire si elle l’écoute. « La démo cratie est aujourd’hui, a-t-il dit, maîtresse de ses destinées; elle est souveraine, et, comme tous les souverains, elle a ses flatteurs, qui pourraient la perdre...» Il n’y a pas de droits, a-t-il ajouté,.sans devoirs. Depuis un siècle, on nous parle de nos droits, et depuis un siècle nous nous efforçons de les conquérir. Le temps est venu de parler de nos devoirs et de commencer à les pratiquer... Tout bon citoyen, tout ami sincère de la démocratie applaudira à ces fortes paroles. Oui, il faut fiarler au peuple de ses devoirs, il faut les ui inculquer, et la République y pourvoit largement par la diffusion des écoles et des maîtres, par la création d’enseignements nou veaux, tels que l’enseignement civique et moral. Mais la connaissance théorique du devoir ne suffit pas ; il faut avoir le goût du devoir, la volonté vaillante de l’accomplir. Or c’est là ce que les maîtres ne peuvent pas communiquer, ce que la démocratie ne trouvera qu’en elle-même, par un effort de réflexion et, si l’on peut dire, par un labeur spontané de sa conscience. L’heure est in discutablement venue pour elle de se donner la culture morale intime et personnelle sans laquelle elle ne pourrait pas jouer son rôle dans le monde. De grandes destinées l’at tendent si, comme il faut l’espérer, malgré des symptômes alarmants et des pronostics plus alarmants encore, elle réussit dans cette tâche difficile. On n’ose pas penser à ce que serait l’avenir si elle échouait. Au reste, son sort est entre ses propres mains ; c’est à elle de prononcer sur elle-même....
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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